dimanche 3 août 2014

Fête du 1er mai : et si on rendait hommage aux Wade !

(Article publié le 04 mai 2014 par Financial Afrik et par Les Echos (Le cercle))


Dans le monde entier, sous tous les cieux et en tous lieux, l’emploi est devenu la première préoccupation des populations et est érigé en priorité absolue par les autorités nationales. Il est le principal indicateur de l’efficacité des politiques publiques et de la popularité des gouvernants. En cette journée symbolique du travail, nous avons voulu fêter les Wade.



Le génie français, Louis Pascal disait que «  le hasard n’aide que les esprits préparés ». Le destin a voulu que notre muse aille à la rencontre de deux Wade, que tout oppose sauf l’essentiel : le travail. Et ce n’est pas le seul point de similarité. Ils partagent le même patronyme et ont en commun une exceptionnelle longévité à l’œuvre. Pourtant, ils viennent de deux continents différents et vivent dans des milieux sociaux distincts.


Le premier est un ancien président de la République, bardé de diplômes et de distinctions. Il a dirigé le Sénégal de 2000 à 2012. Il vient de l’Afrique nouvelle, celle qui ne dort pas et qui ne meurt pas. Cette Afrique qui agit, qui innove et qui avance. Il s’agit d’Abdoulaye Wade qui fêtera bientôt, certainement parmi les siens, ses 88 étés. Non sans tumultes et remous.
Deux ans après son départ du pouvoir par les urnes, le chantre du « Sopi » (« changement » en wolof),vient d’effectuer un retour mouvementé mais triomphal aux pénates. Il a été accueilli par une liesse populaire sans précédent.
A son âge, beaucoup de ses pairs auraient savouré un repos bien mérité. C’est pourtant le moment que le « vieux lion » (Gorgui) choisit pour sortir de sa tanière et signer son retour dans l’arène politique. Objectif : mobiliser sa famille politique pour la prochaine joute électorale en capitalisant sur une conjoncture interne plus que difficile. Ce féru des mathématiques et des arcanes politiques, saurait-il se résoudre à l’arithmétique politique ? Pour diriger, il faut un nombre impair, et trois, c’est déjà trop disait Clemenceau.
Attention ! On peut contraindre ses adversaires politiques à l’ochlophobie, mais il ne faut pas confondre la foule avec le peuple. La sagesse africaine nous enseigne de ne pas compter les poussins avant que la poule n’ait pondu les œufs.


Le second est tout aussi exceptionnel. C’est le plus vieux travailleur de l’Amérique. Loren Wade à l’état civil, vient du Kansas, le centre géographique des États-Unis. Cette Amérique profonde et conservatrice. Celle qui veille et peine. Il travaille depuis l’âge de 12 ans. Presque smicard, il continue à bosser dans un supermarché trente heures durant cinq jours par semaine pour joindre les deux bouts. Il se lève chaque matin et parcourt cinq kilomètres pour rejoindre son lieu de travail. Cela ne l’empêche pas, à ses « heures perdues », de s’occuper de son jardin et de jouer du saxophone.
Les deux sont des bourreaux au travail. L’Américain est âgé de 102 ans, soit 14 ans l’aîné du Sénégalais.
Loren Wade, en 90 ans de travail, a enchaîné différents jobs pour gagner sa pitance comme chaudronnier, cheminot, facteur et employé de supermarché. En 2012, il a reçu le titre de «plus vieux travailleur remarquable » des Etats-Unis. Il faut rappeler que les Etats-Unis compte environ 53 000 centenaires et 1,25 million de ses travailleurs avaient plus de 75 ans (7,3% de la population active), selon les statistiques du Bureau international du travail (BIT).


Abdoulaye Wade, en retrouvant son boubou d’opposant, sera certainement l’un des anciens chefs d’Etat les plus actifs de sa génération.  Déjà, le 1er avril 2010, porté à la magistrature suprême de son pays par le suffrage universel, il axa son Discours de prestation de serment, sur les  valeurs du travail. En s’inspirant, probablement, de la célèbre formule contenue dans la pièce de théâtre « Les Trois sœurs » du dramaturge russe Anton Tchekhov, il déclara au Stade Leopold Sédar Senghor de Dakar : « il n’y a pas de secret : il faut travailler, beaucoup travailler, toujours travailler. » Il conclut ainsi son allocution : « Travaille pour te libérer, et ta dignité tu sauveras ; travaille pour te réaliser, et ton pays tu sauveras ».


Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » A près de sept décennies de distance, cette profession de foi transposée dans la majorité des constitutions des Etats reste un leurre.


Selon le dernier rapport annuel de l’Organisation internationale du travail (OIT), le nombre de chômeurs à l’échelle mondiale a progressé de 4,9 millions, pour atteindre 201,8 millions à fin 2013. La jeunesse est particulièrement touchée par le fléau avec 74,5 millions de jeunés âgés de 15-24 ans sans emploi. Leur taux de chômage est près de trois fois plus élevé que celui des adultes (13,1% contre 4,6%). Suivant les prévisions de l’OIT, le nombre de personnes privées d’emploi devrait progresser de 13 millions au cours des cinq prochaines années, pour dépasser 215 millions à l’horizon 2018.


Conclusion


Au milieu du 17e siècle, le poète français Jean de la Fontaine écrivait « Le Laboureur et ses enfants », fable dans laquelle les valeurs du travail sont célébrées. Il adresse d’abord une invite à la jeunesse : « Travaillez, prenez de la peine » avant de conclure ainsi : « le travail est un trésor ».


Nos deux héros, Abdoulaye Wade et Loren Wade, constituent des symboles de cette valeur fondamentale qui incarne la dignité, l’honneur et la liberté de la personne humaine.


En cette journée commémorative du 1er mai, comment ne pas penser aussi à ces milliers de jeunes africains auxquels s’ouvraient les promesses de la vie, désœuvrés, affamés et apeurés dans les cales de bateaux, dans les coffres et depuis peu sous les pare-chocs des voitures traversant monts, désert, forêts et océans, et finissant assez souvent l’aventure dans les cuvettes de sable ou les fonds des mers, en y laissant l’ultime soupir de leur rêve : le TRAVAIL ?


Abdoulaye Wade ne disait-il pas : « Un homme sans travail peut sombrer dans le désespoir… » ?




Cheickna Bounajim Cissé

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