dimanche 3 août 2014

Conflit Israël-Palestine : voir le monde et mourir !

(Article publié le 16 juillet 2014 par Les Echos (Le Cercle) et MENA post)


Depuis le 08 juillet, le gouvernement hébreu abat un déluge de feu sur la bande de Gaza. A l’indifférence totale de la communauté internationale qui n’est pas plus bruyante qu’une calebasse remplie d’eau. En ce mois sacré de Ramadan, l’opération « Bordure protectrice » lancée par Tsahal a fait, à ce jour, 186 morts palestiniens majoritairement des civils. Aucun mort israélien n’a été enregistré.




Le 30 juin 2014, trois adolescents israéliens enlevés, ont été retrouvés morts en Cisjordanie. En rétorsions, un jeune palestinien est kidnappé le 1er juillet à Jérusalem-Est, torturé et brûlé vif.
Ces deux évènements ont mis le feu aux poudres. Les Palestiniens se sont soulevés en lançant des jets de pierre et des roquettes artisanales sur le territoire israélien. Le prétexte était suffisant à l’Etat hébreu de découdre une nouvelle fois avec le Hamas qualifié de « groupe terroriste ». D’autant que l’annonce de la réconciliation entre les frères ennemis, de l’Autorité Palestinienne et du Hamas, a été pour Israël la bouffée de vapeur qui a fait sauter le couvercle. En somme, une arrête coincée dans la gorge du gouvernement israélien qui a suspendu, à la suite, sa participation aux pourparlers de paix relancés en juillet 2013.


Halte au carnage !


L’opération « Bordure protectrice » est ainsi lancée par Tsahal. Il s’en est suivi, comme en pareille circonstance, un usage disproportionné de la force par l’armée israélienne. Les raids aériens et les tirs d’artillerie se sont multipliés sur la bande de Gaza, libérée par Israël en août 2005 et sous contrôle du Hamas depuis juin 2007. Ce morceau de terre de 360 km², bondé de vies humaines et tenaillé entre Israël et l’Egypte, est soumis à un blocus total par le gouvernement hébreu qui l’a déclaré « entité hostile » en septembre 2007.


Au huitième jour des frappes, le funeste bilan approche inexorablement la barre fatidique des 200 morts du côté palestinien.


Le président de l’Autorité Palestinienne a appelé le Hamas à l’arrêt des violences et a conjuré l’aide et la protection de la communauté internationale face au drame de son peuple. Les seuls pays qui osent sortir du lot envoient de l’aide humanitaire. Les médias, soucieux d’assurer une couverture équilibrée du conflit, tentent tant bien que mal à mettre face à face les milliers de bombes israéliennes aux dizaines de roquettes artisanales palestiniennes, les centaines de morts palestiniennes à quelques blessés israéliens.


Mais, les images insoutenables parlent d’elles-mêmes. Quelques dizaines d’Israéliens confortablement assis à Sdérot, popcorn à la main, applaudissent le spectacle en « live » livré par leur armée, depuis leur point d’observation surplombant Gaza ! Les raids succèdent à la détonation des bombes. L’artillerie entonne. Le sang des dizaines d’enfants innocents coule à flot. Les lambeaux de leur chair s’entremêlent aux débris des ruines de leurs maisons réduites en poussière. Le témoignage décapant des mères de famille éplorées détonne. L’errance de la population de Gaza se poursuit.
Israël a droit à se défendre. C’est une posture normale et légitime.


Et la Palestine ? A-t-elle l’obligation de subir ? Si les kamikazes, ces « bombes humaines » et leurs mandants, sont des terroristes, que dire de ceux qui au mépris du droit international larguent par centaines des bombes sur des populations civiles innocentes, tuant femmes et enfants, éventrant les lieux de vie en y laissant pleurs, désolations, veuves et martyrs sur leur sillage ? Pour la communauté internationale, Israël use de son « droit à l’autodéfense ».


Francis Blanche a donc raison : « Dans le fond de l’eau, chacun dîne d’un plus petit que soi ».


Où est le monde ?


Où est l’Organisation des Nations unies (ONU), cette organisation internationale de « véto » de 5 Etats superpuissants et de « résignation » de 188 Etats moins pourvus ? Où sont-ils les « gendarmes du monde », si prompts à mettre au pas, manu militari et illico presto, les « coupables récalcitrants » ? Aidez-moi à les retrouver ou ce qui en reste ! Que dites-vous des innombrables résolutions onusiennes qui n’ont jamais été appliquées par Israël ?


Souffrez que je vous en rappelle seulement une douzaine : Résolutions 181 (1947), 194 (1948), 242 (1967), 338 (1973), 1322 (2000), 1397 (2002), 3236 (1974), 3376 (1975), 3379 (1975), 4686 (1991), sans oublier la résolution l’assemblée générale de l’ONU “Règlement Pacifique de la Question de Palestine”, remise au goût du jour chaque année, réitérant à Israël de se retirer des territoires occupés de la Palestine y compris Jérusalem Est. En vain !


Et pourtant, pour moins que, les dirigeants africains sont menottés et renvoyés devant la cour pénale internationale (CPI) s’ils ne sont pas simplement désignés « persona non grata» par ceux-là même qui ne reconnaissent par l’autorité de la « chose jugée ». Où sont la justice et l’équité au service des peuples ?


Le politologue Rex Brynen, expert du Moyen-Orient à l’Université McGill résume la situation : « Non, mis à part répéter ce que Ban Ki-moon a déjà dit – qu’il faut faire preuve de retenue, ne pas impliquer les civils -, le Conseil de sécurité ne peut pas faire grand-chose. »


Où est l’Union Africaine ? Aidez-moi à retrouver ce regroupement de chefs d’Etat africains, dont une bonne partie est plus soucieuse de s’éterniser au pouvoir en muselant l’opposition et en cisaillant la constitution de leur pays, que de promouvoir la paix sur leur continent ensanglanté et dans le monde éprouvé !


Où sont les dirigeants arabes ? Où est la Oumma islamique en ce mois béni de Ramadan ? Aidez-moi à leur dire un mot sur le martyr de leurs frères en religion !


Où est le monde libre, épris de paix et de justice ? Où sommes-nous, à assister dans l’indifférence presque totale à l’assassinat d’un peuple opprimé ?


Regardez le monde et laissez couler vos larmes sur ces nappes d’eau blanches émaillées de couleur qu’est olympe et longées de trait qu’est feu.


La communauté internationale, totalement transparente, laisse échapper de temps à autre quelques communiqués à peine audibles. Dans une déclaration, le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a mis en garde Israël sur des violations éventuelles des lois de la guerre : « Nous avons reçu des rapports troublants sur le fait que nombre de victimes civiles, y compris des enfants, sont le résultat de frappes sur des maisons ».


Appréciez la position officielle de la France par la voix de son ministre de la Défense : « Nous condamnons les tirs de roquettes qui se sont produits de la part du Hamas sur la population civile israélienne mais nous demandons aussi à Israël de faire preuve de mesure dans sa riposte et en particulier de respecter le droit international et de faire en sorte que les victimes civiles soient épargnées ».


Dimanche dernier, Israël a commencé à appliquer les consignes de ses partenaires occidentaux en distribuant des tracts à la population gazaouie. Pour faire simple : « Sortez de vos maisons pour que nous les bombardons ! »
Quel scandale à ciel fermé ! Les paroliers africains disent : « On peut cacher une pintade sous les herbes mais on ne peut jamais cacher son cri ». Le cri de détresse des enfants, des hommes et des femmes de la Palestine s’invite à notre conscience collective. Et nous avons le choix : l’inertie ou l’action.


Le chemin de la vérité


Autorisons-nous à rappeler aux différentes parties ces paroles sages du Mali profond : un dirigeant doit avoir la maitrise de quatre  pouvoirs : savoir et pouvoir tolérer, voir et pouvoir tolérer, entendre et pouvoir tolérer, enfin être capable et pouvoir tolérer.


Le chemin de la paix est difficile. Il le sera encore. Mais il n’est pas hors de portée. Surtout si la volonté des deux peuples, israélien et palestinien, est de vivre en paix et en sécurité. Les Palestiniens doivent reconnaître le droit des Israéliens à vivre sur leurs terres internationalement reconnues. Israël doit libérer les territoires occupés et se résoudre à vivre à côté d’un Etat palestinien viable, libre et indépendant. Voilà la vérité. Au-delà de tout conformisme et suivisme.


On peut ne pas être d’accord – et même condamner la méthode de lutte des groupes armés palestiniens ; mais, il est difficile de dénier le droit à un peuple occupé, agressé, embastillé et tenaillé, à se défendre – fusse avec le duvet du colibri d’Elena – et à recouvrir sa liberté, sa dignité et son honneur. Que trop de souffrance face à peu d’espoir !


Rien n’y fit même pas le prix Nobel de la paix décerné le 12 décembre 1994 à Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat. Le seul survivant des récipiendaires, Shimon Peres est aujourd’hui le chef de l’Etat israélien.
Au peuple martyr de Palestine, cessez de lancer des projectiles et des pierres contre votre agresseur. Arrêtez la résistance ! Entrez en vos demeures ! Mourez en paix et en entier. Le monde vous a déjà tué. L’histoire en témoignera.


Au peuple juif d’Israël, vivez en paix avec vos frères musulmans de céans et de la Palestine. Vous adorez le même Dieu. Il est unique. Il voit tout, entend tout et sait tout. Par Sa puissance, Il peut tout faire. Et par Sa sagesse, il S’est abstenu à ne pas tout faire. Partageons ensemble cette belle pensée de Thucydide  (5e siècle avant J.C.) : « Ce ne sont pas les murs qui protègent la citadelle, mais l’esprit de ses habitants ».


Une cohabitation difficile mais nécessaire


Est-il besoin de rappeler que la Terre n’est la propriété de personne. Tout peuple a droit de vie sur cette terre : les Israéliens comme les Palestiniens. Mais ce qui se passe dans la bande de Gaza, aujourd’hui comme hier, n’est pas digne du monde que nous avons hérité et que nous laisserons en héritage aux générations futures.


Les peuples de Palestine et d’Israël doivent vivre côte à côte. Trop d’années à des pourparlers, négociations, conférences, sommets, pseudo-accords entre les dirigeants des deux peuples sans résultat tangible. Beaucoup de négociateurs, de médiateurs s’invitent dans le conflit israélo-palestinien sans efficacité prouvée.


Aux deux peuples, je leur dirai : « La fatigue revient toujours aux danseurs et non aux joueurs de tam-tam ». Il est clairement établi que le logiciel est périmé. Il va falloir le changer. Et la meilleure façon c’est de laisser les deux peuples, lassés de 66 années de conflit, se parler, discuter et convenir d’un « vivre ensemble ». En un mot comme en mille, il faut que « le train de la paix quitte définitivement la gare » pour ainsi reprendre une métaphore d’un diplomate onusien.
L’usage excessif de la force militaire par Israël contre le peuple palestinien est intolérable. La violence des deux côtés, israélien et palestinien, doit être condamnée sans réserve par la communauté internationale. C’est une menace pour la paix dans le monde. Il est urgent de mettre fin à cette escalade.


Le raidissement des positions des dirigeants des deux peuples ne peut qu’être un terreau fertile aux groupes extrémistes juifs et islamistes. Il faut de la tenue et de la retenue. Personne ne sortira victorieuse de cette énième confrontation. Mais les perdants seront nombreux. Et les conséquences incalculables.



Cheickna Bounajim Cissé

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