vendredi 28 mars 2014

Le prix, le coût et le bénéfice

http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/management/autres/221194391/prix-cout-et-benefice


Dans le milieu bancaire, à l'instar d'autres secteurs économiques, les acteurs rivalisent d'initiative et d'ardeur pour décrocher le plus de trophées. Dans la majorité des cas, les entreprises primées sont aussi les sponsors des institutions productrices de distinctions. Il faut d'ailleurs rappeler que Enron, à sa faillite, était bardée de titres prestigieux et élogieux.




Depuis quelques années, on assiste à un foisonnement sans précédent de distinctions, trophées et prix, en tout genre, initiés et décernés par des institutions plus ou moins connues, sur des places plus ou moins prestigieuses et avec une profondeur plus ou moins crédible. C’est devenu un véritable fonds de commerce qui continue à prospérer en regard de l’engouement et de l’appétence des impétrants.


Même des entreprises, aux fondamentaux bancals, reçoivent des dizaines d’offres de distinctions par an. Il suffit juste de feuilleter la documentation envoyée pour se rendre compte qu’il y a un coût de participation ou tout simplement de rester patient le temps de recevoir le premier coup de fil de l’organisateur de l’évènement…


Faut-il rappeler la règle de base du marché : un produit ne vaut que par la rencontre d’un fournisseur et d’un client. S’il n’y a pas de client point de produit et donc pas de prix.


Les bénéfices que les récipiendaires en tirent c’est, entre autres, de garnir leurs publications institutionnelles, de conforter la cote du premier dirigeant et de repositionner l’entreprise, surtout lorsque les principaux compétiteurs sont en lice. Cette situation s’exacerbe lorsque le dirigeant et/ou l’entreprise négocient un virage mal amorcé. La distinction vient à lustrer les compartiments époussetés par le peu de performance et ainsi apaiser les stakeholders. Comme le dit l’adage du terroir "lorsque l’huile comestible vient à manquer on recourt à l’huile cosmétique".


De façon générale, j’ai toujours eu une faiblesse de raisonnement par rapport à ces institutions productrices de distinctions. Et surtout ces autres, consommatrices de distinctions. Parce qu’en vérité, il y en a quelques bonnes et surtout pour beaucoup de belles fichaises.


Le mode d’emploi tient à quelques points :


- Le coût du prix : soit une contribution est sollicitée du récipiendaire, directement (par transfert) ou indirectement (sponsoring de l’évènement : diamond, platinum, gold), un gros contrat d’annonceur… Dès lors, il y a un problème d'éthique lorsque l'entreprise primée est aussi le sponsor de la compétition ou de son organisateur. La même remarque vaut aussi pour les agences de notation qui utilisent le même procédé.


- La composition du jury : quels sont les membres du jury ? Comment sont-ils choisis ? Quel est leur lien avec les candidats ?


- Les critères de sélection : les critères sont-ils pertinents, mesurables et transparents ?


- Les entreprises en compétition : que vaut d'être désignée l'entreprise de l'année si les leaders du secteur ne sont pas en compétition ?


En attendant une moralisation de ces pratiques, les trophées, distinctions et autres prix ont de beaux jours devant eux. Producteurs et consommateurs se frottent les mains. Et les impétrants se congratulent en organisant des feux de camp autour du "butin" si chèrement acquis. Une sagesse africaine nous enseigne : "Celui qui excelle à ramasser des serpents morts se ravisera quand il sera en possession d’un serpent inerte pris pour mort".

Les baleiniers, le silure et l'oxymoron



http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/international/europe/221194547/baleiniers-silure-et-loxymoron


Trois siècles après le Traité d’Iasi consacrant l’annexion de la Crimée par l’Empire russe et six décennies (presque jour pour jour) après l’"offrande" de Nikita Khrouchtchev à sa mère patrie, l’histoire est-elle en train de se plier ? Le 16 mars 2014 est une date dont les historiens se souviendront longtemps.




Tel est pris qui croyait prendre. En vérité, Francis Blanche a raison, dans le fond de l’eau chacun dîne d’un plus petit que soi…


Pas étonnant que le silure connu non seulement pour être un poisson solitaire puisse filer entre les doigts des mains moins avisées du fait non seulement de la texture de sa peau que de sa nature lucifuge. Le silure est-il devenu ce paisible monstre ou cette aigre douceur ?


Le monde a basculé le 16 mars 2014, lorsque poussé par l'appétence de sa puissante voisine, le peuple de Crimée dans son immense majorité a voté, par referendum, leur rattachement à la Russie. Le 16 mars, c’est aussi l’ascendance du "niet" russe sur le "oui, mais" des Européens. Une sagesse africaine nous enseigne : "Vous ne pouvez pas récuser la viande de margouillat et réclamer qu’on vous serve un peu de sa sauce une fois cuite".


Depuis novembre 2013, les Européens faisaient pression sur le gouvernement ukrainien pour qu’il signe un accord d’association, ignorant totalement et superbement les intérêts stratégiques russes dans cette ancienne république de l’ex-URSS. Le sage aurait prévenu : "On peut être un excellent cavalier sans s'asseoir sur le museau de son cheval".


L’épilogue de l’Euromaïdan (mot-valise désignant les manifestants pro-européens et "Maïdan", la place de l’indépendance à Kiev, épicentre du mouvement de contestation), avec près d’une centaine de morts, fut atteint le 22 février 2014 suite à la destitution du président démocratiquement élu d’Ukraine, Victor Fedorovytch Ianoukovytch qui trouva finalement refuge chez le puissant voisin. C’était la goutte d’eau de trop pour le président russe, Vladimir Poutine, qui décida de prendre un "billet sans retour" dans la reconquête de la Crimée.


Surprises par l’audace, la vélocité et la fermeté russes, les nouvelles autorités ukrainiennes crient à l’invasion de leur pays et à l’annexion d’une partie de leur territoire. Les capitales occidentales menacent l’envahisseur de lourdes sanctions. Sous le poids de l’émotion, le chef de la diplomatie française évoque l’annulation de leur contrat de vente des navires de guerre à la Russie avant de se rétracter le lendemain. Et pour cause, une telle décision aurait été lourde de conséquences financières et sociales pour la France qui peine à se remettre de la crise économique.


Pour le moment deux stratégies s’affrontent : le silence assourdissant des Russes et le bruit des bottes en laine des Occidentaux. Et dans ce système de balancier et de rudesse économique, le droit international se cherche de nouvelles fables. Tout en espérant que le silure puisse voir non pas l’appât, mais l’hameçon de tous ces baleiniers qui s’invitent aux bords du Dniepr.


- Tu dis bien "Baleinier" ?


- Oui, bien sûr, tu en doutes ?


- Mais enfin ! Les baleines ne vivent pas dans le fleuve !


- Pas si sûr, il faut juste en chercher et tu trouveras.


Et ainsi, tu comprendras tout du nouveau paradigme de la "guerre froide". Un autre oxymore !