dimanche 25 août 2013

Harmattan malien : Anatomie d’un crash et thérapie de choc

(Publié par le site Financial Afrik et par le journal malien "Les Echos")

Aux lendemains d'une élection présidentielle, unanimement saluée par la communauté internationale, le Mali s'apprête à amorcer la course d'obstacles de sa reconstruction. Il nous a paru utile de passer en revue les défis qui obstruaient la marche du pays et dont la résolution, attendue par tout un peuple, portera les germes d'une émergence à l'horizon 2030.

Aujourd’hui, le Mali cherche sa voie face à ses propres contradictions. Celles-ci ont été portées à incandescence en 2012, par la combustion d’une double crise, une rébellion armée au nord du pays et un putsch militaire au sud. Cet harmattan, exacerbé par un marmitage fanatique et terroriste de premier choix, a suscité un tsunami émotionnel dans le monde entier. Pour autant, la crise militaro-civile n’a pas eu que des mécomptes. Elle a eu le mérite d’exhumer, à la face des plus sceptiques, les fondements mouvants de la démocratie malienne et l’extrême fragilité de l’économie nationale financée à 70% par l’extérieur. Elle a surtout démontré que le véhicule Mali avait au moins trois gros problèmes : un problème de frein, un problème de moteur et un autre de direction.

Anatomie d'un crash

Le frein ? Depuis son élection en 2002 jusqu’à sa chute en 2012 à la faveur d’un putsch militaire, le Président de céans avait fait du « consensus politique »  sa marque de fabrique. Ce modèle de gestion du pouvoir fût, en son temps, salué par plus d’un, au Mali et dans le reste du monde. Mais, très tôt, il montra ses limites à l’intérieur de ses propres frontières: une opposition presqu’inexistante, des institutions fragiles et des structures de contre-pouvoirs et de contrôle limitées, aux marges rétrécies. Le véhicule Mali n’avait donc que l’accélérateur qui fonctionnait ; les temps de pause et d’arrêt étaient rares, le choc était donc inévitable.

Le moteur ? Cela fait plus d’un quart de siècle qu’on nous assène que nous vivons au-dessus de nos moyens et qu’il faut tantôt s’ajuster, non pas à nos besoins essentiels mais à nos maigres ressources, tantôt réduire la voilure de la « pauvreté » créée par ces mêmes mesures d’ajustement. Dans ce système de balancier, chaque « tic-tac » est en réalité une « tac-tic » de plus pour endormir et appauvrir les populations maliennes. On nous parle peu de création de richesse. Dès lors, beaucoup d’interrogations me viennent à l’esprit. Allons-nous passer notre vie (et les générations futures la leur) à fabriquer la pauvreté et en même temps à produire son antidote ? Connaissez-vous un seul pays au monde dit développé ou émergent qui a atteint son statut rien qu'en luttant contre la pauvreté ? Sinon comment comprendre qu’après trois décennies de programmes contraignants sous l’égide des institutions internationales, le Mali soit toujours le 6ème pays le plus pauvre du monde (182ème/186 ; IDH 2013) et 9 maliens sur 10 vivent avec moins de 2 euros par jour ?

En vérité, le moteur du véhicule est grippé. Notre logiciel de développement – ou du moins celui qu’on nous a imposé ou qu’on a acquiescé, qu’importe d’ailleurs lequel– n’est en phase ni avec les aspirations profondes du peuple malien, ni avec l’évolution du monde. Insister à le maintenir ou même à le retoucher, c’est condamner le peuple malien à la misère. Tenez, la Banque Mondiale – principal prescripteur avec le FMI – a estimé que si le Mali continue avec le même rythme d’investissement, il va falloir plus de 50 ans pour que le pays comble son déficit en infrastructures publiques. (Source : Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique, Rapport Pays, Infrastructure du Mali: Une perspective continentale, Juin 2011, http://www.infrastructure.africa.org).  Je vous le traduis autrement. Dans un pays, comme le Mali, où l’espérance de vie dépasse à peine les 50 ans, ce serait deux générations de maliens qui ne mangeraient pas à leur faim, qui auraient un accès limité à la santé, à l’éducation, au logement, à l’emploi et dont les villages, faute de routes praticables, resteront coupés du reste du monde le temps d’un hivernage ou d’un harmattan.

Et la direction ? Il est arrivé un moment, pas plus tard que sous la Transition qui s’achève et même bien avant, où bon nombre de citoyens maliens et d’observateurs de la scène politique malienne s’interrogeaient : Y-a-t-il quelqu’un à la commande du gouvernail Mali ? Ce questionnement revenait comme une psalmodie tant les « commandants de bateau » étaient nombreux, les atermoiements habituels et les dérapages fréquents.

Pour rester toujours dans la métaphore de l’automobile, je vous livre le regard critique de cet enseignant et chercheur malien, Aboubacrine Assadek Ag Hamahady: « Le Mali ressemble à un vaste champ. On espère sur une bonne récolte sans couper au préalable les mauvaises herbes, sans lutter contre les oiseaux prédateurs et les criquets. En plus, ce champ foisonne de serpents au point de ne plus savoir où mettre les pieds. Après chaque révolution dans le pays, nous faisons le plein du réservoir de la même vieille voiture, ayant procédé à de toutes petites retouches sur la carrosserie, en gardant toujours l’espoir que cette carcasse ira loin et qu’elle pourra rattraper les autres, voire décrocher le rallye Paris-Dakar. Certes la carcasse brille un peu, mais nous oublions que le moteur est pourri. Voilà pourquoi tous les 20 ans, plutôt sur chaque 20 km, la bagnole tombe en panne très grave. Les hommes politiques que nous voyons toujours sur scène sont tous des mécaniciens. Ces derniers gagnent toujours gros en faisant semblant de la réparer. Ainsi donc, ils ne souhaitent jamais une nouvelle voiture sur la piste, car dans ce cas il y aura moins de réparations et beaucoup de mécaniciens seront en chômage. »

Thérapie de choc

Ce décryptage allégorique est un raccourci de la longue liste de surprises, pas toujours agréables, auxquelles le Mali a pu être exposé du fait de l’absence de vision, ou plus précisément d’une vision mal conçue, mal partagée et qui n’aurait pas été suivie d’actions durables. L’une des paroles de sagesse du Dalaï Lama nous enseigne ceci : « quand on perd, on ne doit pas perdre la leçon ». C’est pour cette raison, que nous proposons de rectifier le tir pendant qu’il est encore temps.
Nous ne voulons pas que le Mali soit pris en otage dans les tenailles d’un passé difficile et d’un présent peu lisible ; et que les générations futures soient contraintes à consacrer leur vie, non à développer leur pays, mais à payer, en sang et en devises fortes, la rançon nécessaire pour le libérer et recouvrer ainsi leur dignité et leur honneur, sacrifiés sur l’autel de nos atermoiements d’aujourd’hui.

Face à cette interpellation historique, j'ai proposé la « Vision 2030 » dans mon livre abécédaire intitulé « Les défis du Mali nouveau : 365 propositions pour l’émergence » disponible en ligne sur Amazon.

L’objectif clairement affiché est de faire du Mali une puissance émergente à l’horizon 2030. Un pays de stabilité et de sérénité qui maîtrise son changement. Le temps de la responsabilité est donc venu. Avec lui, celui du pardon et du labeur. Les ressorts du changement existent. La « Vision 2030 » que je propose, en s’inscrivant dans la durée, transcende les urgences, les alternances et les variations politiques, et va au-delà des agendas personnels. Elle se propose de fédérer les ambitions individuelles en une seule et véritable cause commune, celle du Mali.

C’est dire que le choix n’est pas entre le changement ou le refus du changement ; le choix pour le Mali réside entre changer, par la volonté de son peuple ou être changé, par le pouvoir des puissances étrangères, démocratiques ou terroristes.

 

samedi 17 août 2013

Comptes et décomptes des Banques de l’Uemoa


Publié par Les Afriques N° 233 du 28 février 2013 sous le double titre :
UEMOA, un système bancaire à construire
 
 

Le rapport annuel 2011 de la Commission Bancaire de l’Union Monétaire Ouest africaine (UMOA) vient d’être mis en ligne sur le site institutionnel de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Déjà une bonne nouvelle et la confirmation d’un paradoxe. La bonne nouvelle : les banques implantées dans l’espace UMOA se portent relativement bien. Globalement, la situation est saine et en conformité avec les règles prudentielles en vigueur dans l’espace communautaire. Le paradoxe : les économies de l’Union se portent moins bien que les banques qui sont censées assurer leur financement.

Le rapport de l’organe de supervision est un document attendu chaque année par toute la communauté financière et le monde des investisseurs qui s’intéressent à cette partie de l’Afrique. C’est donc un document utile et nécessaire. Utile, par la nature et la profondeur des informations diffusées. Notamment pour les développeurs et leurs chercheurs lassés des ondulations et autres atermoiements des sources publiques. Nécessaire, parce que c’est un guide, un document de travail. En un mot, c’est un outil de référence dans la profession.

Cependant le rapport, cuvée 2011 à l’instar des précédentes, présente certaines limites dont il convient de mesurer l’importance afin d’en cerner la portée. Pour deux raisons. De notre point de vue, une information financière de qualité doit revêtir un label « 2F ». Fraîcheur. Les données contenues dans le rapport commencent à prendre un peu de rides. Nous sommes en 2013 et les chiffres remontent à 2011 et, pour l’essentiel, restent encore provisoires. A l’ère du « tout va vite », il faut espérer un relèvement de la cadence. La tendance est déjà encourageante. Le dernier rapport a été édité en septembre 2012. Fiabilité. Les statistiques publiées portent en elles la crédibilité de l’honorable institution de contrôle. Elles demeurent néanmoins une agrégation de l’information financière et comptable produite par les établissements de crédit, sous la seule responsabilité de leurs organes sociaux. Sans soumettre à la pesée la sincérité de ces données, il y a lieu de s’interroger sur certaines variations erratiques liées à l’activité de fin d’année, à cheval entre le dernier trimestre de l’année qui s’achève et le premier trimestre de la nouvelle année.


Le court-termisme – la course effrénée à la taille et au positionnement – a soumis à de fortes pressions plusieurs établissements dont les dirigeants, pour faire bonne figure, soumettent à un vrai lifting le bilan de leur entreprise.  Ne lésinant pas sur la palette de maquillage encore moins sur la dose. Dès le début du quatrième trimestre, ils sonnent l’alerte générale. « Dame banque » est invitée aux grands soins. Tout dépend de son état et des besoins induits par son faciès.  La consigne affichée est de soigner les chiffres de fin d’année. Les commerciaux et les recouvreurs se retroussent les manches pour aller, qui à la conquête du business, qui au recouvrement des prêts improductifs. Ces créances dites « en souffrance » font l’objet d’un soin particulier pour leur permettre de retrouver une seconde vie. L’enjeu est double. D’abord, éviter les prélèvements réglementaires sur le résultat d’exploitation au titre des « provisions ». Mieux, améliorer la trésorerie de la banque par des rentrées de cash, à défaut constituer des dations de paiement (avec ou sans clause de réméré) pour procéder à des « reprises de provisions » qui viendront soutenir les comptes, le temps des décomptes. A l’affût, les tenants des comptes prennent la mesure de l’enjeu. Ils mettent l’huile dans les rouages en primant les meilleures performances lors de campagnes commerciales et de recouvrement, âprement disputées.  Quelques mois après la clôture de l’exercice, sinon dès le mois de janvier de l’année suivante, la banque « liftée » est méconnaissable. Les dépôts ont fondu. Comme par miracle. Les actifs prêtés se retrouvent une nouvelle taille, plus fine et plus compacte. Plus surprenant. Le portefeuille en souffrance se reconstitue, presque, à son niveau initial. En vérité, dans certains établissements, entre fin décembre et fin mars de la nouvelle année, les données chiffrées subissent une véritable cure d’amaigrissement tout à fait asymétrique de la situation qui prévalait un trimestre plus tôt.

Il faut simplement espérer que dans ce lifting d’un nouveau genre de certains prestataires financiers ne prévalent quelques prescriptions qui puissent aboutir à la publication de fausse situation. Dans son Rapport annuel 2010, la Commission Bancaire traitant de la problématique du recouvrement, s’est d’ailleurs ouverte sur le sujet: «…Pour les établissements dont le taux de recouvrement ressort élevé, il a été constaté [par les missions de vérification] l’inclusion des créances restructurées dans les statistiques des créances recouvrées. » Alfred Sauvy a peut-être raison « les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire. »

L’exposition du système bancaire à ce phénomène de « levure », même si elle existe, est circonscrite – nous l’espérons - avec une ampleur encore soutenable dans notre sous-région. Le « gendarme » des banques veille au grain. Avec les moyens du bord. A la faveur d’une réorganisation,  en vigueur depuis le 02 juillet 2010, le Secrétariat Général (SG) de la Commission Bancaire, cheville ouvrière de l’organe de supervision, dispose d’une entité rénovée, la Direction de l’Inspection des Etablissements de Crédit et de Microfinance (DIECM) qui « a en charge la mise en œuvre de l’ensemble des contrôles de la situation individuelle des établissements de crédit et de microfinance agréés. ». Cette entité animée par des Inspecteurs aguerris et affranchis à toute pression et dont la compétence et la moralité sont reconnues par toute la profession bancaire procèdent par des contrôles Off site (sur pièces) et des inspections On site (contrôles sur place).

Durant les cinq dernières années, bien que le nombre des établissements de crédits agréés ait enregistré une augmentation sensible, l’effectif de l’organe de supervision a connu une baisse progressive. Les missions de vérification ont suivi la même tendance même si un redressement a été opéré en 2011 en liaison, essentiellement, avec la mise en œuvre de la première phase du relèvement du capital social minimum des établissements de crédit.

 

 
2008
2009
2010
2011
Nombre d’agents du SG Commission Bancaire
109
96
89
87
Nombre de vérifications effectuées
42
36
15
26
Nombre d’établissements de crédits agréés dans l’UMOA
116
118
118
121

     Source : Rapport annuel de la Commission Bancaire, 2008, 2009, 2010, 2011.

 
Le niveau faible des interventions sur le terrain est quelque peu contrebalancé par la fermeté de l’autorité de supervision chaque fois qu’il s’agit de sanctionner les banques ou leur management pour entorse aux dispositions légales et réglementaires. L’objectif est de garantir aussi bien la stabilité que la pérennité du système financier.

 
2008
2009
2010
2011
Mesures administratives
 
 
 
 
Injonctions
2
16
9
7
Mises en garde
0
16
0
6
Sanctions disciplinaires
 
 
 
 
Audition des dirigeants
5
11
6
32
Avertissement
0
0
5
13
Blâme
3
4
4
18
Démission d’office des dirigeants responsables
3
0
0
0
Retrait d’agrément
1
1
1
1

                Source : Rapport annuel de la Commission Bancaire, 2008, 2009, 2010, 2011.


En réalité, si on appliquait strictement la réglementation, les 21 banques qui ne respectent pas le capital minimum de 5 milliards FCFA, en vigueur depuis le 01 janvier 2011, devraient être fermées. Si après trois ans de délai de grâce accordé par la BCEAO en 2008, elles n’ont pas pu se conformer, il y a donc tout lieu de s’interroger sur la viabilité de leur présence. Les 26 missions de vérification effectuées durant l’année 2011 par l’organe de contrôle ont permis de faire le diagnostic et de prendre les mesures correctives nécessaires. C’est ainsi que la Commission Bancaire a convoqué près du tiers des dirigeants des établissements de crédits ; auditions à la suite desquelles elle a infligé 18 blâmes et 13 avertissements. Un niveau record dans le livre des sanctions de l’institution.

  

Les grandes tendances du secteur bancaire de l’UMOA

 
Au 31 décembre 2011, le paysage bancaire de l’UMOA était composé de 108 établissements de crédit (99 banques et 9 établissements financiers) avec des actifs totalisant 15 361 milliards FCFA. Il emploie 19 725 personnes qui servent près de 8 millions de comptes dans 1853 points de vente.

 
1-    Un secteur en profonde mutation

 L’année 2011 fut un excellent millésime pour les établissements de crédits de l’UMOA, en confirmation de leur double résilience. D’abord, face à une conjoncture économique atonique marquée par une croissance presque nulle dans l’espace communautaire. Ensuite, et ce n’est plus un fait nouveau, face à une récession qui perdure sur le continent européen, principal partenaire de l’UMOA. Cette embellie sous-régionale a incité depuis peu les « rentiers » à mettre les bouchées doubles en embauchant à tour de bras des jeunes commerciaux embusqués à l’affut du premier prospect, et le « printaniers » à débaucher à prix d’or les jeunes vedettes de la profession, promus comme précurseurs du miracle de demain. Tout cela dans un environnement de plus en plus incertain marqué par la persistance des risques politico-sécuritaires dans la sous-région. Pour Igor Ansoff, l’incertitude croissante entraîne des surprises stratégiques et celles-ci obligent à rechercher des moyens de riposte. Quand les futurs ne sont plus lisibles, on se réfugie dans les présents qui durent. A l’évidence, il souffle un vent à faire décorner les buffles et chaque acteur calfeutré dans des tranchées calfatées soigne son habitus. En se démarquant de l’intermédiation classique, certaines banques se sont redéfinies comme de véritables gestionnaires de risque. De ce point de vue, le risque a été mis en conserve comme des tomates. La banque a donc acheté le risque à bon marché, et l’a revendu plus cher, sans en assumer elle-même aucun sinon peu.


Des activités en nette progression

Selon le Rapport annuel de la Commission Bancaire, à fin décembre 2011, les crédits à la clientèle ont enregistré une croissance de 14,5% en se fixant à 8 465 milliards FCFA. Les crédits à court terme se renforcent sensiblement de 16,5% en s’établissant à 4 733 milliards. Ils gagnent 2,2 points par rapport à leur niveau un an auparavant. Les crédits de campagne, contrairement à la tendance haussière entamée depuis deux ans, se sont contractés de 9,1%. Les crédits à moyen terme avec un encours de 2 864 milliards ont augmenté de 14,7% contre 12,8% en 2010. Les crédits à long terme affichent un encours de 304 milliards, enregistrant une croissance de 9,3% presque le même niveau (9,6%) de l’année précédente. « Les engagements de crédit-bail se sont réduits de 41,9%, pour s’établir à 38,0 Mds. Ils sont portés par les établissements de grande et de petite tailles respectivement à hauteur de 95,0% et de 3,8%. Ces financements demeurent majoritairement octroyés en Côte d’Ivoire, dans une proportion de 56,1%, contre 78,5% en 2010 » poursuit le rapport.

Au titre des ressources du système bancaire de l’UMOA, les dépôts et emprunts se sont fixés à 11 173 milliards à fin décembre 2011, suite à une augmentation de 13,0%. Les dépôts à vue ont progressé de 3 points en pourcentage pour atteindre 5 783 milliards, tandis que les ressources à terme se sont établis à 5.391 Mds après un relèvement de 6,9%. Pour l’institution de supervision, à la faveur notamment de la poursuite de la recapitalisation des établissements de crédit et d’opérations de restructuration financière, les fonds propres nets du secteur financier sont évalués à 1 308 milliards, soit une nette augmentation de 12,8%. Le rapport poursuit que « cet accroissement s’observe au niveau de la quasi-totalité des pays de l’Union à l’exception de la Côte d’Ivoire (-4,7%). Les contributions les plus importantes sont localisées au Burkina (36,2%), au Sénégal (22,0%), au Bénin (15,9%) et au Mali (14,1%).

Dans ces conditions, le rapport ajoute que « le produit net bancaire (PNB) s’est accru de 13,1% à l’échelle de l’Union contre 10,3% en 2010, pour ressortir à 969 milliards. Cette évolution est principalement induite par la hausse des produits bancaires de 139 Mds (+10,8%), supérieure à celle de 26 Mds (+6,2%) des charges correspondantes. Pour sa part, la moyenne des taux de base bancaire poursuit une lente décrue de 0,97 point de base en 2011, après 0,59 point de base en 2010, pour se fixer à 6,97%. La marge sur les opérations avec la clientèle est apparue en baisse de 7,3%, contre 7,9% en 2010, en liaison avec le taux de rendement moyen des crédits de 9,6% et un coût des comptes créditeurs de 2,2%. Le résultat brut d’exploitation augmente de 30,2% pour ressortir à 337 Mds en liaison avec l’amélioration du coefficient net d’exploitation de 75,3% à 70,5%, malgré l’augmentation du nombre d’agences de 165 unités. Le résultat d’exploitation ressort à 247 Mds contre 109 Mds en 2010. Cette évolution reflète une hausse de 117 Mds du produit global d’exploitation et un repli de 60 Mds des provisions nettes sur risques, qu’absorbe la hausse des frais généraux de 35 Mds. L’effort net de provisionnement fléchit en effet à titre provisoire de 31 points de pourcentage pour se fixer à 27,4%. Le résultat net provisoire ressort ainsi bénéficiaire de 183 Mds contre 70 Mds à titre définitif pour l’exercice 2010, en liaison avec la hausse importante du résultat d’exploitation. »


Un secteur bien réglementé et mieux régulé

La situation prudentielle du système bancaire de l’UMOA est relativement satisfaisante à fin décembre 2011. Globalement, les banques sont solvables et liquides. A des grosses nuances près.  Solvabilité. A fin décembre 2011, 82 banques sur la centaine que compte le système bancaire de l’Union satisfont à la norme de couverture des risques par les fonds propres effectifs, fixée à un seuil de 8%. Simplifié, cela veut dire que pour 100  FCFA de financement accordé, une banque doit avoir au minimum, en contrepartie – sous forme de garantie implicite – 8 FCFA de fonds propres. Autrement, pour que cela se tienne pour définitivement dit, les banques ne prêtent que les dépôts de leurs clients. Plus exactement, la réglementation les autorise en tant que financeurs de recourir aux ressources collectées auprès de leurs déposants jusqu’à 92% du montant des prêts octroyés à leurs clients. Cette intermédiation, sur la base 100, coûtera à ses actionnaires au moins 8. Liquidité. Cette norme requiert des banques des disponibilités suffisantes ou des emplois dont la durée résiduelle n’excède pas trois mois pour couvrir, à concurrence d’au moins 75%, leurs exigibilités de même maturité. A cet exercice, 69 banques concentrant 74,9% des dépôts à fin décembre 2011 satisfont à cette exigence. Ces deux ratios font partie de la batterie de normes édictées pour l’exercice de la profession bancaire dans l’UMOA. Elles constituent ce que la Banque Centrale désigne sous le vocable de « Situation prudentielle » ou de « Dispositif prudentiel ».

 

 
La Banque Centrale à travers son organe de contrôle, la Commission Bancaire, veille au strict respect des ratios prudentiels afin dit-elle de garantir la bonne santé des établissements de crédit dont elle autorise l’installation et l’exercice.

A la lecture de ce tableau, au-delà des deux ratios sus mentionnés, une autre norme a retenu notre attention. Il s’agit du ratio de structure de portefeuille qui s’appuie sur le dispositif des accords de classement de la Banque Centrale. D’après le Rapport, l’objectif final est d’inciter les banques à détenir des actifs sains pouvant servir de support aux refinancements de la Banque Centrale et de mettre à leur disposition un outil de suivi qualitatif de leur portefeuille de crédit. Ainsi, les établissements de crédit sont tenus de respecter la règle fixant un rapport minimal de 60% entre les encours sains de crédits bénéficiant d’accords de classement de la Banque Centrale et le volume total de leur portefeuille. A fin décembre 2011, aucune banque ne respecte ce ratio, soit une situation inchangée par rapport à 2010.

Certes l’objectif est noble mais les moyens d’y parvenir restent contraignants si on en juge les statistiques peu flatteuses de l’application de cette norme prudentielle.
 

 
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Nombre total de banques UMOA en activités
93
96
97
95
100
99
Nombre de banques respectant le Ratio de structure de portefeuille
2
1
1
2
0
0

Source : Commission Bancaire, Rapport annuel, de 2006 à 2011.

Il y a lieu de s’interroger sur la persistance de la Commission Bancaire à maintenir dans le dispositif prudentiel, une norme qui n’a jamais été respectée et dont l’inobservance n’appelle pas de sanctions positives plus enclines à infléchir la tendance. Selon l’organe de contrôle, « les établissements de crédit justifient le non-respect de cette norme d’une part par les difficultés qu’ils éprouvent à disposer des états financiers de leur clientèle et d’autre part la situation financière jugée peu satisfaisante de la plupart des signatures. »

 
Un marché bancaire de plus en plus « africanisé »

Le marché bancaire de l’UMOA reste dominer par 20 groupes bancaires qui concentrent 44 de la centaine de banques opérant dans l’espace communautaire. Ils détiennent 63,9% des actifs, emploient 60,2% des effectifs, couvrent 59,3% du réseau bancaire et servent 49,1% des comptes-clientèle.

Parmi cette catégorie, 8 établissements font figure de « grands groupes bancaires ».

La percée des groupes bancaires régionaux, d’origine subsaharienne (Ecobank, UBA, pour ne citer que ceux-ci) ou maghrébines (BSIC, Attijariwafa bank, BMCE avec le label BOA et récemment la Banque Populaire à travers AFG), tend à réduire le poids des banques françaises. La part de marché des groupes de  l’hexagone dans l’UMOA est passée de 29% en 2004 à 18% en 2011. En Afrique Centrale (CEMAC), les banques françaises ont considérablement réduit la voilure. Leur contribution dans le système bancaire a été divisée en deux durant la période en passant de 47% à 23%. Néanmoins, le Groupe Société Générale fait toujours partie du tiercé gagnant dans la zone UMOA. Dans le dernier classement des banques établi par la Commission Bancaire, la banque au « carré rouge et noir » a réussi à placer deux de ses filiales sur le podium sous régional, à savoir la SGBCI en Côte d’Ivoire et la SGBS au Sénégal, respectivement à la 1ère et à la 3ème place. A deux, elles pèsent, en actifs, près de 1 400 milliards de FCFA, soit l’équivalent du budget annuel cumulé du Niger et de la Guinée-Bissau. Quant à la BNP, elle compte deux représentants dans le TOP 15 sous régional, la BICICI en Côte d’Ivoire et la BICIS au Sénégal respectivement classés au 11ème et au 15ème rang. C’est dire que si les « capitaux français » sont en retrait dans l’assiette communautaire, il n’en demeure pas moins que leur présence en Côte d’Ivoire et au Sénégal reste relativement forte.

La stratégie bancaire de la zone UMOA se décide de plus en plus en Afrique, à travers la montée en puissance des groupes bancaires d’obédience régionale. Et il est heureux que la tendance se poursuive.

Il faut se rendre à l’évidence que la taille du marché bancaire sous-régional reste encore très modeste. En 2011, l’ensemble du système bancaire de l’UMOA (108 établissements de crédit) ne représentait que 2% des actifs du Groupe Société Générale. Que dire alors du poids des filiales de la banque au « carré rouge et noir » ? Son implantation en Côte d’Ivoire, la SGBCI, par ailleurs la première banque de l’UMOA avec un total bilan de 794 milliards de FCFA ne pèse que 0,1% dans son Groupe. Celui-ci a réalisé en une année (2011), un résultat d’exploitation de 4 270 millions d’euro soit l’équivalent de 4 fois la taille de sa filiale en Côte d’Ivoire. Le même exercice peut être fait sur la BNP Paribas, la plus grande banque du monde qui emploie plus de 200 000 personnes, l’équivalent de la moitié de la population de la capitale de la Guinée-Bissau et 10 fois l’effectif du système bancaire de l’UMOA. La banque à la « courbe d’envol » a des actifs consolidés de 1 965 milliards d’euro à fin 2011. C’est dire que aussi grandes soit les filiales des groupes bancaires français sur l’échiquier africain, il y a peu de chances qu’elles apparaissent sur le radar de contrôle de l’état-major de leur maison-mère. Non pas qu’elles ne soient pas suivies ou appuyées, mais dans la gestion du management des groupes, la taille, le poids et autres mensurations sont un élément central du pilotage stratégique.

Donc ne nous leurrons pas. Personne ne ferra le développement de l’Afrique à la place des africains. Cela n’est plus une question de conviction. C’est une nécessité. Et, il y a tout lieu que le politique africain encourage et appuie, par des actions concrètes et en toute transparence, les groupes bancaires panafricains qui ont pris le risque de commercer avec leur continent et aussi, d’inciter les autres, sud-africains notamment, à mieux s’ouvrir en s’inscrivant dans la même dynamique. A l’heure où tous les ensembles régionaux de par le monde se serrent les coudes en intensifiant leurs liens économiques, l’Afrique ne commerce avec elle-même qu’à hauteur de 11% contre 72% pour les échanges intra-européens et 52% pour le commerce intra-asiatique. Ce chiffre ridicule du commerce intra-africain n’est pas à la hauteur de la qualité de l’excellence des relations politiques entre dirigeants africains et encore moins –hélas !- des attentes des pauvres populations africaines qui peinent à accepter l’acharnement du sort à leur égard. Il est temps que les africains créent les conditions suffisantes et pérennes d’une croissance endogène et auto-entretenue.

Mais attention, loin de nous l’idée de mordre la main qui nous nourrit. La dépendance de l’Afrique à l’aide extérieure est encore trop forte. Bien au contraire, il s’agit d’optimiser l’appui des partenaires pour qu’il puisse servir réellement le développement de l’Afrique dans un élan de complémentarité, de cohérence et d’efficacité.

 2-    Un secteur bancaire concentré

Le système bancaire de l’UMOA est très concentré avec la prédominance de 25 établissements de crédit qualifiés de “grandes banques” dans la stratification retenue dans le rapport de la Commission Bancaire. Les 25 “Sumo” ont chacun un total bilan dépassant les 200 milliards FCFA. Ils concentrent 61,6% des actifs bancaires, détiennent le tiers des comptes de la clientèle et animent 52,4% du réseau de distribution avec 51,2% des salariés du secteur.


« La présence de grandes banques ne constitue pas en soi une contrainte, car des études ont montré que les banques de grande taille sont plus efficaces dans l'intermédiation financière. Cette situation est toutefois porteuse de risque de comportement oligopolistique se traduisant par une faiblesse de la concurrence interbancaire, avec une tarification relativement forte des services bancaires et une importante marge d'intérêt. » note la Banque Centrale, dans une thématique consacrée à la problématique du financement (Rapport 2012 sur les Perspectives économiques des Etats de l’UMOA).
 

Presque la moitié des banques de l’Union (48 exactement en 2011) sont de petite taille avec un total bilan ne dépassant guère les 100 milliards de FCFA. Il y a lieu d’engager la réflexion sur leur dynamique à créer de la valeur suffisante leur permettant d’acquérir une taille critique, apte à insuffler une véritable croissance organique.  Il sera indiqué de procéder au cas par cas du fait que certains pays comme le Niger dispose de plus de la moitié de ses banques qui répondent à ce critère. Le cas de la Guinée-Bissau est plus singulier. La totalité de ces établissements bancaires (soit 4) ont une taille inférieure à 100 milliards de FCFA. Pour le financement correct de nos économies, il est nécessaire de disposer d’établissements bancaires forts, solides justifiant d’un tour de taille d’au moins 100 milliards de FCFA.

 

3-    Un faible niveau de bancarisation

Dans l’espace UMOA, plus de 150 ans après la création des premières banques de l’ancien réseau BIAO, 9 personnes sur 10 ne disposent pas de compte bancaire. La majorité des personnes desservies vivent en milieu rural. Au Maroc, plus de la moitié (55% à fin 2012) de la population est bancarisée. En France, il y a plus de comptes bancaires que d’âmes qui y vivent.

Selon la Commission Bancaire, le taux de bancarisation de l’UMOA, calculé sur la base des statistiques provisoires, était estimé en moyenne à 7,9% en décembre 2011. Il varie de 1,7% pour le Niger à 13,4% pour la Côte d’Ivoire. Ce fonctionnement à double vitesse traduit le niveau général de développement économique disparate au sein des pays membres de l’Union.

Deux pays, la Côte d’Ivoire et le Togo, ont des taux de bancarisation à deux chiffres, supérieurs à 10%. Le Mali, le Sénégal et le Bénin améliorent leur positionnement avec un niveau de bancarisation bas mais au-dessus de 7%. Le Burkina Faso, la Guinée-Bissau et le Niger ferment la marche avec des taux extrêmement bas, en dessous de 5%.

Nous allons affiner ces analyses par deux tableaux pour apprécier la pénétration démographique (proximité) et la couverture géographique (densité) des implantations bancaires. Ces deux autres critères complètent le modèle retenu par la Commission Bancaire pour mieux jauger du niveau de pénétration des services bancaires.

Pénétration démographique

 
Bénin
Burkina
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
UMOA
Nombre               de guichets
175
199
513
21
347
93
336
169
1.853
Population
(millions hbts)
9,1
16,2
23,5
1,5
15,6
15,3
12,6
6,0
99,9
Ratio de pénétration
52.000
81.407
45.809
71.429
44.957
164.516
37.500
35.503
53.913

 
La norme généralement admise sur le plan international est d’un guichet bancaire pour 5 000 habitants. En France, elle est moins de 2500 personnes pour une agence bancaire.

 Pénétration géographique

 
Bénin
Burkina
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
UMOA
Nombre       de guichets
175
199
513
21
347
93
336
169
1.853
Superficie
(km²)
115.762
274.122
322.463
36.125
1.240.192
1.267.000
197.161
56.785
3.509.610
Ratio de couverture
661
1.377
629
1.720
3.574
13.624
587
336
1.894

 
A l’arrivée, le contraste des performances au sein de l’espace UMOA est assez frappant.

La Côte d’Ivoire a le meilleur taux de bancarisation de la sous-région (13,4%), selon l’estimation de la Commission Bancaire. La densité et la capillarité du réseau de distribution de ses banques ne sont pas encore performantes avec, en moyenne, un guichet bancaire pour 45.809 habitants à chaque 629 km².

Le Togo offre la meilleure pénétration des services bancaires. Il dispose en moyenne d’un point de vente pour 336 km² avec près de 11% de sa population qui a accès aux services bancaires. Ce bon résultat est rendu possible par une plus grande proximité du réseau bancaire, en raison d’une implantation pour 35.503 personnes.

Le Sénégal, en milieu de tableau avec seulement 7,8% de taux de bancarisation, dispose d’un bon alliage géo-démographique grâce à la capillarité de son réseau bancaire, l’un des plus anciens d’Afrique et l’un des plus denses de la sous-région. Le maillage de son territoire est bien servi avec un guichet bancaire pour 587 km².

Le Burkina et la Guinée-Bissau, bien que n’ayant pas de similitudes géographique et démographique, présentent les mêmes traits de bancarisation, en queue de peloton soit respectivement 4,6% et 3,8%. Le cas de la Guinée-Bissau est spécifique. Jusqu’en 2004, ce pays ne disposait que d’une seule banque. Elle en compte aujourd’hui 4 avec un réseau de 21 agences bancaires.

Le Niger, avec une marge de bancarisation de plus de 98% ferme la marche. Ce pays ne dispose que d’un compte pour 164 516 habitants avec une densité d’un point de vente aux 13 624 km², l’équivalent du territoire de la Flandre, en Belgique, qui compte 5 317 agences bancaires à fin 2010 et 35 fois la superficie de Casablanca qui abrite plus d’un millier de points de vente.

Les agences auxiliaires de la BCEAO sont peu nombreuses et ne couvrent pas suffisamment le territoire des pays de présence. Cette limitation freine la politique d’extension de réseau des banques secondaires. Récemment, avec les crises survenues dans la sous-région, notamment en Côte d’Ivoire, au Mali et en Guinée-Bissau, la nécessité pour la BCEAO d’étendre ses représentations à l’intérieur de certains territoires reculés des pays membres s’est faite de plus en plus pressante. Du fait que les options de « repli » sont pratiquement inexistantes pour les banques dans ces zones. Au Mali, il y a quelques mois suite à la crise politico-sécuritaire,  les banques maliennes installées dans le nord du pays ont enregistré d’importants sinistres. Presque tout a été perdu, du fiduciaire jusqu’au mobilier sans oublier le client avec à la clé le personnel en poste sous les bras. Et sans aucune possibilité de se dédommager. Les compagnies d’assurance se sont réfugiées derrière la sacro-sainte clause « cas de force majeure ». Dès lors, comment voulez-vous que les établissements de crédit aillent s’installer dans les régions défavorisées des pays d’accueil, puisque dépourvues d’infrastructures de base nécessaires à l’exercice de l’activité bancaire ? Il faut se le dire de bon, les banques sont d’abord des entreprises commerciales. Elles n’ont pas vocation d’assurer une politique de bancarisation de masse. Et la puissance publique (Etat, BCEAO), dont c’est la responsabilité, n’arrive pas à assumer correctement cette mission.

Faut-il donc exclure du service bancaire une frange importante de la population pour le simple fait de son lieu de résidence ?

Certes les indicateurs de bancarisation sont au rouge dans l’espace UMOA. Mais tout n’est pas sombre. Depuis cinq ans, il y a une réelle dynamique de massification et de démocratisation des services bancaires qui est en cours et qui laisse présager, pour la future décennie, un infléchissement important de la tendance actuelle. Les trois grands groupes bancaires marocains, présents dans la zone, ont déjà annoncé la couleur en « exportant » leurs modèles qui ont déjà fait recette dans le royaume. Leur prochaine bataille sera celle du réseau subsaharien. D’autres groupes de taille plus modeste comme BSIC et Oragroup ne manquent pas aussi d’ambition.

Il faut maintenant s’interroger sur la qualité de ce niveau de bancarisation. A y regarder de très près, les agences bancaires sont implantées, principalement, dans les capitales et les grandes villes des pays de l’Union. Et même dans ces villes, la concentration reste marquée dans les quartiers d’affaires et dans une moindre mesure dans les lieux à forte concentration humaine. Le milieu rural est le grand oublié de la promotion de la bancarisation. Ce sont en général des « clients saisonniers » des banques qui se manifestent pendant deux principales périodes de l’année dans les agences des centres urbains : au début de la campagne de production (achats d’intrants et de semences) et à la clôture de la campagne de commercialisation (remboursement des crédits de campagne). En dehors de ces périodes de pointe, les  circuits informels, véritables banques ambulantes, prennent le relais dans les lieux de vie des paysans. Leur prolifération et leur développement anarchique s’expliquent par la proximité de leurs services et par leur mode d’animation basé sur la confiance et l’estime.

Vu sous un autre angle, la qualité de la bancarisation peut aussi laisser à désirer notamment au niveau de la qualité du service bancaire.

Parlant de qualité de service, souffrez que je vous livre l’aventure audacieuse de ce jeune jardinier contée si habilement par Christian Godefroy :

Un jour, le dirigeant d’une grande société engage un jeune jardinier indépendant. A la fin du travail, le jeune homme demande au propriétaire l’autorisation de passer un petit coup de fil. Par mégarde, le dirigeant surprend la conversation du jeune homme…

Le jeune homme s’entretient avec une femme :

-          Vous avez besoin d’un jardinier ?

-          Non, j’en ai déjà un.

-          Mais moi, en plus de faire le jardin, je ramasse les ordures,  souligne le jeune homme.

-          C’est tout à fait normal, mon jardinier aussi fait cela, répond la femme.

-          Je lubrifie tous les outils à la fin de mon service, ajoute le garçon.

-          Mon jardinier aussi, rétorque la propriétaire un peu agacée.

Dans une dernière tentative pour persuader son interlocutrice, le jeune homme lance :

-          Je suis rapide, jamais en retard et mes tarifs sont imbattables !

-          Désolée, mais le prix de mon jardinier est également très compétitif, répond la femme avant de raccrocher.

-          Mon garçon, je crois bien que tu viens de perdre une cliente, dit le patron.

-          Bien sûr que non, c’est moi son jardinier ! j’ai fait cela seulement pour savoir si elle est vraiment satisfaite de mes services.

Connaissez-vous beaucoup de prestataires financiers qui oseraient se prêter à cet exercice frontal, sans farce ni censure ? En évaluant la qualité de leur service avec une telle audace. La « fumée blanche » n’est certainement pas pour si tôt. Roland Topor nous le rappelle, fort humoristiquement : « Les journaux regorgent d’histoires de braves gens pris en otages à la banque par des gangsters, mais ils restent muets sur les cas, pourtant plus fréquents, de clients pris en otages par leur banquier. » Pour s’en convaincre, il suffit de vaincre son emploi du temps en visitant les guichets de certaines banques en début ou fin de semaine de travail. Vous ferez la connaissance du rêve de ces dizaines de clients endormis par la douceur conditionnée des brasseurs d’air des halls d’accueil et l’irritation de ces autres, éveillés par une si longue attente. Les guichets des banques sont toujours engorgés. Pourtant ! Et, pour autant, voilà bien un terrain vierge qui mériterait d’être préempté par les dirigeants de banque pour ne pas se laisser abuser par des commerciaux et des qualiticiens plus soucieux de complaire que de déplaire. L’autorité de tutelle, garante de la vie contractuelle et les associations de consommateurs devront sérieusement s’y pencher. Et les banques y gagneront à coopérer. Pour recruter de nouveaux clients et fidéliser leur portefeuille.

Pour revenir, spécifiquement à la bancarisation, les solutions existent. Des initiatives vigoureuses ont été prises sous d’autres cieux qui ont donné de bons résultats.

        l'approche française: elle est basée sur un arsenal juridique fourni et évolutif pour obliger les populations à ouvrir un compte en banque. L'obligation du règlement des salaires en monnaie scripturale et le droit au compte en sont des exemples;

        l'approche américaine: Les Etats-Unis, à travers le Community Reinvestment Act (CRA), ont mis en place un système de jeu à somme nulle « play or pay » qui oblige les banques à financer les ménages les plus vulnérables. Les établissements de crédit qui ne jouent pas le jeu devront payer ceux qui ont accepté d’appliquer les règles.

        l'approche sud-africaine: Dans le pays de Nelson Mandela, l’Etat a prévu des comptes spécifiques sans frais dénommés « Mzansi » pour les populations les plus démunies

        l’approche marocaine est une combinaison de plusieurs initiatives qui ont fait recette. On peut citer les comptes « Bikher » et les « souk bank » qui épousent et font corps avec les réalités socio-culturelles des populations adressées.

Au-delà de ces initiatives, fort heureuses et efficaces, quelques mesures simples pourraient faire décoller, nettement, le taux de bancarisation dans la zone UMOA. Au nombre desquelles, la création de zones franches bancaires dans les régions défavorisées de certains pays. Les banques pourront être incitées à s’y installer moyennant une défiscalisation – totale ou partielle – de certaines de leurs opérations. En contrepartie, elles s’engagent à recruter des clients résidant dans ces zones en leur ouvrant des comptes « franco », sans frais de tenue et à leur consentir un abattement substantiel dans le coût de financement de leurs activités. Un tel projet peut être piloté, à l’échelle communautaire, par la Commission de l’UEMOA en étroite relation avec la BCEAO. Pour son financement, les bailleurs de fonds dans le cadre du programme de restructuration du secteur financier, pourront être mis à contribution. Et afin d’assurer le succès d’une telle opération, les « embouteillages » des agences bancaires dans les quartiers de certaines grandes villes pourront être limités. Par exemple, par un système de 2 pour 1 : 2 agences créées en milieu urbain pour 1 agence créée en zone rurale. C’est une réflexion qui pourrait être nourrit par des mains plus expertes.
 

4-    Le poids des créances en souffrance


2011 a été sans nul doute la confirmation d’une nouvelle ère de révélation des lézardes d’un système bancaire sous-régional en pleine mutation. Depuis une décennie, la bulle spéculative et fortement concurrentielle des « grandes entreprises » menace d’éclater à force d’étirement et de replis. Les anciennes poules aux œufs d’or, véritables coqs en pâte, ont laissé des coquarts en héritage aux banques. Elles représentent l’essentiel des provisions constituées par les établissements de crédit aux dépens d’une rentabilité mise à mal par un coût de risque anormalement élevé. Pour ces gros débiteurs qui ont déjà fêté pâques avant les rameaux, c’est l’affirmation de l’adage « mourir maigre, mourir gros, la différence est pour les porteurs ».  Au petit jeu de la séduction, tel est pris qui croyait prendre.


 
31/12/2007
31/12/2008
31/12/2009
31/12/2010
31/12/2011
Provisions nettes sur risques
124.543
198.362
73.531
152.603
93.099
- Dotations aux provisions et pertes sur créances irrécupérables
224.689
359.077
296.135
328.927
295.613
+ Reprises sur provisions
100.146
160.715
222.604
176.324
202.514

Source : Commission Bancaire, Rapport annuel 2011.



A force de porter et surtout de supporter, certaines banques sont à bout de souffle. Leur cheminement s’apparente à un véritable « steeple Chase » (la formule est empruntée au talentueux journaliste malien, Gaoussou Drabo), une course d’obstacles au cours laquelle les mises en cause ont tout juste le temps, après une énième défaillance de leurs « gros clients », de reprendre leur souffle avant d’aborder l’étape suivante. A ce rythme, il faudrait surtout craindre la perte de tonicité voire la défaillance de ces établissements de crédit qui ont bâti durant des décennies toute leur stratégie sur des solutions de rente et qui n’arrivent plus à s’en démarquer. Mort Meyerson, ancien patron d’EDS cité par Fahey et Randall, conseille que le voyage pour se réinventer n’est pas aussi effrayant qu’on le dit…il est pire ! C’est dire que le risque systémique n’est pas encore écarté. Et le pire c’est de fermer les yeux, et de croire au lever du soleil. Pour Thierry Viquerat, il ne faut pas faire le mort et espérer. Dans ce cas, on subit plus qu’on agit, on exécute plus qu’on ne gère. Traduit en langage boursier, cela veut dire se livrer à la pire des spéculations. Un ancien Administrateur Provisoire d’une banque malienne, lors d’une fête à l’honneur des seniors, s’est adressé à son auditoire en ces termes : « La banque est le carrefour de toutes les tentations ».

L’institution de supervision n’hésite pas à avoir la main lourde. Les études prouvent que de 1980 à 1995, 27 établissements de crédit ont été fermés dans l’espace sous-régional, dont 15 sont à capitaux publics.
 

 
Bénin
Burkina
Faso
Côte
d’Ivoire
Mali
Niger
Sénégal
Togo
Total
Faillite de banques
4
1
8
0
3
7
4
27
(dont banques d’Etat)
2
1
6
0
2
3
1
15

 
Durant le dernier quinquennat, la Commission Bancaire a procédé, au moins, à un retrait d’agrément par an.  Dans ces conditions, les produits classiques destinés aux grandes entreprises, plus connus sous le nom galvaudé de « produits corporate », se vendent comme des « cercueils à deux places ». Certains observateurs peuvent même s’interroger sur l’existence de phénomènes de « ventes à perte » sur ce segment. En tout cas, la pression de la concurrence qui s’y exerce est en cause. La messe est déjà dite : « …Beaucoup traitent un prêt comme une aubaine et mettent dans la gêne ceux qui les ont aidés. Avant de recevoir, on baise les mains du prêteur. Au jour de l’échéance, on tire en longueur. On s’acquitte en récriminations, on s’en prend aux circonstances. A-t-on les fonds pour s’acquitter ? A peine le prêteur recevra la moitié de son argent, et il pourra s’estimer heureux. Dans le contraire, il aura, sans l’avoir mérité, un ennemi de plus qui s’acquitte en malédictions et en injures. Et qui rend des outrages en guise de révérence… » La longue procession s’achève sur ce texte biblique, non sans mécomptes et même avec des cicatrices, fort heureusement pour les banques qui ont pu panser leurs plaies. La mollesse et la complaisance – son pendant, le laxisme – dans la gestion des risques ne peuvent que mener à la catastrophe. Presque, tous les banquiers le comprennent. Mais, certains peinent à s’en convaincre. Rien que pour la seule année 2011, les banques de l’UMOA ont comptabilisé, en charge, des provisions à hauteur de 295 milliards FCFA. Avec ce montant, les intermédiaires bancaires auraient pu étoffer leur réseau de distribution de la création de près de 3 000 agences (une fois et demi le niveau actuel), en raison d’un investissement unitaire surestimé à 100 millions de FCFA. Sur la base de cette hypothèse, le taux de bancarisation projeté sera de 20% (contre 7,9% actuellement) avec une pénétration démographique de 20 793 personnes par guichet bancaire contre un niveau actuel de 53 913. Ces extrapolations ont un intérêt pédagogique. Elles permettent d’attirer l’attention des autorités publiques et monétaires ainsi qu’au premier chef, les dirigeants de banque et leurs partenaires du monde des affaires sur les conséquences négatives de la toxicité du portefeuille des établissements de crédit et son impact négatif sur l’économie. Dans un rapport de Standard & Poor’s publié en mai 2011, l’agence de notation donne son appréciation sur l’état du système bancaire de l’UMOA: « Nous considérons que les risques liés aux systèmes bancaires de l’UEMOA sont élevés. Le taux de créances douteuses est important et le taux de couverture par les provisions reste modeste, compte tenu du niveau de capitalisation des banques et des risques inhérents aux conditions d’opérations dans ces pays. » Une mission plus récente du FMI est arrivée à la conclusion que les crédits compromis « reflétaient, dans une certaine mesure, les problèmes chroniques et la réticence des banques à réduire la valeur des actifs de peur que cela n’entrave les possibilités de reprise ».

En effet, le niveau de sinistralité  est très élevé dans certains compartiments des créances en souffrance notamment les « douteux et litigieux » communément appelées « contentieux ». Certaines de ces créances continuent de figurer à l’actif des anciennes banques alors qu’elles constituent des « non valeurs » car sans espoir de recouvrement. Elles sont portées, depuis plus d’un quart de siècle par des entreprises liquidées ou des débiteurs qui ne sont plus en activités. La décision de les faire sortir du patrimoine de la banque n’est toujours pas une décision facile à assumer par les organes sociaux.

Jean-Jacques Rousseau a raison : « Qui croit fermer les yeux sur quelque chose se voit bientôt forcé de les fermer sur tout. » A l’évidence, tout est en le dirigeant pour autant qu’il sache se couvrir et se découvrir. Barsoux aurait prévenu : « Le dirigeant qui plonge la tête la première dans les eaux d’une entreprise doit rester attentif à la hauteur des vagues. Plus encore, il lui faut bien évaluer la profondeur et la force du contre-courant, généralement imperceptible, car la survie en dépend. »

L’autorité monétaire et de contrôle, loin de s’immiscer dans la stratégie commerciale des entreprises de son domaine de supervision, les incite fortement à la déconcentration de leur portefeuille. Une dilution au profit de segments, certes moins rentables mais moins risqués. Il se justifie dès lors un redéploiement de l’action commerciale des établissements bancaires en direction des autres secteurs institutionnels notamment le segment des ménages comme véritables alternative au choix cornélien opéré. A l’évidence, dans la zone UEMOA, la concurrence sur le segment du « retail » (une autre expression à la mode signifiant les particuliers et les entreprises individuelles), haute comme trois pommes à genoux, ne fait pas l’ombre d’un cheveu. Il est donc de peu d’utilité de comparer les banques entre elles puisqu’il y a tout lieu de penser que l’équilibre s’établit sur ce marché au terme de modalités de fonctionnement très différenciées. Cela est d’autant plus constant qu’à l’analyse, la virginité de l’offre qualitative est presque évidente. La différence entre les offres des banques ne s’apprécie  qu’à travers la pertinence du support communicationnel utilisé. Depuis peu, à grands renforts de publicité (spots TV, panneaux,…), toutes les banques se mettent dans la séduction des particuliers jouant tantôt sur l’affectif (esprit de famille) que sur l’émotionnel (réalisation de rêves) en passant par l’événementiel (animation d’espace de vente) ou même à flirter avec la banalisation (kiosques de pré-ouverture de compte). De toutes ces tentatives, les produits dans leur forme classique demeurent. Il a été prouvé que nous sommes plus en présence de produits « réchauffés » que réellement de nouveaux produits. Ils sont simplement bien présentés, mieux habillés et plus encadrés. Mais attention ! Quand vous vous habillez, vous ne changez pas; vous changez simplement la façon dont on vous regarde. Or, il est admis que « ce n’est pas en améliorant la bougie qu’on a inventé l’électricité ».

D’autre part, le questionnement du mode de financement mérite  aussi d’être analysé sous l’angle de l’adéquation emplois/ressources.

 

5-    Le niveau de financement de l’économie reste faible

Le tableau et le graphique ci-dessous retracent la contribution du système bancaire dans le financement des économies des pays de l’UMOA.

 
2007
2008
2009
2010
2011
PIB
      27 320  
      30 486  
      32 608  
      34 808  
      36 361  
Crédits à l'économie
         4 904  
         5 627  
         6 116  
         6 809  
         7 814  
Ratio (crédits à l'économie/PIB)
18%
18%
19%
20%
21%
Source: BCEAO

 


Le financement bancaire représente 21% du PIB de la zone UMOA. Il est de 34% au Nigeria, 77% au Maroc et 145% en Afrique du Sud. Et les coûts d’accès au crédit bancaire demeurent relativement élevés dans l’UMOA. Le taux d’intérêt réel moyen des prêts bancaires est ressorti en 2010 à 13,0% dans l’Union contre 9,4% au Nigeria et 1,6% en Afrique du Sud.

S’agissant de la répartition sectorielle des crédits à l’économie, l’analyse se fait sur la base des utilisations de crédit déclarées à la Centrale des Risques à la BCEAO.

D’une façon générale, l’encours des financements bancaires est mal reparti entre les différents acteurs économiques de l’UMOA. La faiblesse du financement des secteurs clés de l’économie comme l’agriculture, les BTP, les transports est réelle. Tout comme l’absence de réponses adéquates aux besoins prioritaires des pays de présence. Tenez ! À l’heure des délestages et du coût exorbitant du kilowattheure pour les particuliers autant pour les entreprises, le secteur énergétique ne bénéficie que de 3% des concours bancaires. Les activités agro-sylvo-pastorales, principales contributrices de la richesse communautaire, sont à la même enseigne avec  seulement 3% des financements consentis. C’est le commerce (achat et revente à l’état avec peu de création de valeur ajoutée) qui se tire à « bons comptes » avec le tiers des prêts octroyés par les banques. Au Maroc, ce secteur ne représente que 6,2% des crédits bancaires contre 28% pour les ménages, dont une bonne partie sous forme de prêts acquéreurs au logement. Dans la zone UMOA, les prêts aux particuliers (sous la rubrique des « services divers ») avec un encours de 474 milliards FCFA à fin décembre 2011, dont 70% de crédit à moyen et long terme, ne représentent que 7,4% du total des financements bancaires.

Peut-on dire que les banques sont frileuses ? Pas si sûr. Il leur est reproché une intervention trop prudente voire timorée en gardant par devers elles de stocks importants de liquidités au lieu d’assumer leur mission première de prise de risques notamment en assurant la couverture des besoins financiers du tissu productif. Et lorsqu’elles se décident à financer, leur confiance est accordée à des secteurs, à faible valeur ajoutée, comme le « commerce général ». Cette appréciation, somme toute légitime, n’est pas aussi exempte de reproches. Dans une sous-région en proie à une instabilité politico-sécuritaire depuis plus de cinq ans, notamment en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau et au Mali, et dans une moindre mesure les mouvements pré-electoraux au Sénégal et le coup d’Etat intervenu en fin 2010 au Niger, beaucoup d’établissements de crédit se sont aventurés au-delà des limites réglementaires. C’est ainsi que plus du tiers des banques en activités ne respectent pas le ratio dit de «  transformation » (couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources stables). En d’autres termes, 38 banques de la centaine que compte l’Union ont financé des opérations d’investissements avec des ressources volatiles au-delà de la limite réglementaire autorisée. Par exemple, le taux de transformation des comptes d’épargne est limité à 25% de leur stock. Pour s’être hasardés au-delà du raisonnablement admis, ces établissements de crédits exposent l’équilibre de leur structure financière aux aléas de la profession.

L'analyse de la répartition sectorielle des crédits à l'économie montre que le financement bancaire bénéficie à hauteur d'environ 70% au secteur tertiaire dont la contribution dans la formation du PIB reste relativement modeste. Le secteur primaire ne bénéficie que de 5% des concours bancaires alors qu’il est le principal contributeur de la richesse communautaire et qui emploie près de 80% de la population active dans l'Union. Le tissu productif dominé par les PME/PMI, véritable socle du développement, est insuffisamment financé. Des études révèlent qu’au Mali, 83% des micro-entreprises et 72% des petites entreprises font face à des contraintes de financement. Au Sénégal, cette proportion s’élève respectivement à 92% et à 90%.En outre, les emplois durables (crédits à moyen et long terme), essentiels au financement des investissements, ne représentent que 39% en 2011 des financements accordés.

En cause, pour beaucoup d’acteurs, la liquidité abondante des banques qui n’est pas utilisée pour le financement adéquat de l’économie des pays de la sous-région.

Selon le rapport de la Commission Bancaire, la trésorerie cumulée des banques de la zone UMOA reste excédentaire à hauteur de 1 027 milliards, en dépit d’une contraction de 107 milliards FCFA par rapport à son niveau de l’année précédente. Tous les pays de l’Union sont contributeurs positifs à l’exception du Bénin (-76 milliards) et du Niger (-4 milliards). Cette année encore le niveau des encaisses oisives détenues par les banques représente 40,8% de la liquidité globale, le reliquat se retrouve en écritures scripturales à la BCEAO et chez les correspondants bancaires. Les dépôts placés chez l’Institution d’émission dépassaient largement le niveau réglementaire requis pour la constitution des réserves obligatoires.

 

Les obstacles au financement adéquat et durable de l’économie par le secteur bancaire sont multiples. Au nombre desquels, il faut citer :

-          La structure des ressources des banques dominée par les dépôts à vue de la clientèle

-          Le dispositif prudentiel qui encadre la transformation (la couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources longues) sous peine de sanctions

-          La faiblesse des fonds propres des banques

-          L’insuffisance de projets « bancables » des acteurs du secteur productif, à même de répondre aux critères d’appréciation des banques

-          L’expertise des intermédiaires bancaires à se lancer dans le financement de certaines industries qui nécessitent des compétences techniques spécifiques pour maîtriser le risque transactionnel et suivre la bonne marche du proche sur des maturités souvent très longues

-          Les contraintes liées à l’environnement des affaires et au cadre juridique et judiciaire

 
La Banque Centrale, estime que des mesures correctives nécessaires doivent être prises pour « permettre au système bancaire de jouer le rôle de principal acteur du financement de l’activité dans l’Union et de canal de transmission des impulsions monétaires au secteur réel de l’économie. »

 
Cheickna Bounajim Cissé