Aux lendemains d'une élection présidentielle, unanimement saluée par la
communauté internationale, le Mali s'apprête à amorcer la course d'obstacles de
sa reconstruction. Il nous a paru utile de passer en revue les défis qui
obstruaient la marche du pays et dont la résolution, attendue par tout un
peuple, portera les germes d'une émergence à l'horizon 2030.
Aujourd’hui,
le Mali cherche sa voie face à ses propres contradictions. Celles-ci ont été portées
à incandescence en 2012, par la combustion d’une double crise, une rébellion
armée au nord du pays et un putsch militaire au sud. Cet harmattan, exacerbé
par un marmitage fanatique et terroriste de premier choix, a suscité un tsunami
émotionnel dans le monde entier. Pour autant, la crise militaro-civile n’a pas
eu que des mécomptes. Elle a eu le mérite d’exhumer, à la face des plus
sceptiques, les fondements mouvants de la démocratie malienne et l’extrême
fragilité de l’économie nationale financée à 70% par l’extérieur. Elle a
surtout démontré que le véhicule Mali avait au moins trois gros problèmes : un
problème de frein, un problème de moteur et un autre de direction.
Anatomie
d'un crash
Le
frein ? Depuis son
élection en 2002 jusqu’à sa chute en 2012 à la faveur d’un putsch militaire, le
Président de céans avait fait du « consensus politique » sa marque de
fabrique. Ce modèle de gestion du pouvoir fût, en son temps, salué par plus
d’un, au Mali et dans le reste du monde. Mais, très tôt, il montra ses limites
à l’intérieur de ses propres frontières: une opposition presqu’inexistante, des
institutions fragiles et des structures de contre-pouvoirs et de contrôle
limitées, aux marges rétrécies. Le véhicule Mali n’avait donc que
l’accélérateur qui fonctionnait ; les temps de pause et d’arrêt étaient rares,
le choc était donc inévitable.
Le
moteur ? Cela fait
plus d’un quart de siècle qu’on nous assène que nous vivons au-dessus de nos
moyens et qu’il faut tantôt s’ajuster, non pas à nos besoins essentiels mais à
nos maigres ressources, tantôt réduire la voilure de la « pauvreté » créée par
ces mêmes mesures d’ajustement. Dans ce système de balancier, chaque « tic-tac
» est en réalité une « tac-tic » de plus pour endormir et appauvrir les
populations maliennes. On nous parle peu de création de richesse. Dès lors,
beaucoup d’interrogations me viennent à l’esprit. Allons-nous passer notre vie
(et les générations futures la leur) à fabriquer la pauvreté et en même temps à
produire son antidote ? Connaissez-vous un seul pays au monde dit développé ou
émergent qui a atteint son statut rien qu'en luttant contre la pauvreté ? Sinon
comment comprendre qu’après trois décennies de programmes contraignants sous
l’égide des institutions internationales, le Mali soit toujours le 6ème pays le
plus pauvre du monde (182ème/186 ; IDH 2013) et 9 maliens sur 10 vivent avec
moins de 2 euros par jour ?
En
vérité, le moteur du véhicule est grippé. Notre logiciel de développement – ou
du moins celui qu’on nous a imposé ou qu’on a acquiescé, qu’importe d’ailleurs
lequel– n’est en phase ni avec les aspirations profondes du peuple malien, ni
avec l’évolution du monde. Insister à le maintenir ou même à le retoucher,
c’est condamner le peuple malien à la misère. Tenez, la Banque Mondiale – principal
prescripteur avec le FMI – a estimé que si le Mali continue avec le même rythme
d’investissement, il va falloir plus de 50 ans pour que le pays comble son
déficit en infrastructures publiques. (Source : Diagnostic des infrastructures
nationales en Afrique, Rapport Pays, Infrastructure du Mali: Une perspective
continentale, Juin 2011, http://www.infrastructure.africa.org).
Je vous le traduis autrement. Dans un pays, comme le Mali, où l’espérance de
vie dépasse à peine les 50 ans, ce serait deux générations de maliens qui ne
mangeraient pas à leur faim, qui auraient un accès limité à la santé, à
l’éducation, au logement, à l’emploi et dont les villages, faute de routes
praticables, resteront coupés du reste du monde le temps d’un hivernage ou d’un
harmattan.
Et
la direction ? Il
est arrivé un moment, pas plus tard que sous la Transition qui s’achève et même
bien avant, où bon nombre de citoyens maliens et d’observateurs de la scène
politique malienne s’interrogeaient : Y-a-t-il quelqu’un à la commande du
gouvernail Mali ? Ce questionnement revenait comme une psalmodie tant les «
commandants de bateau » étaient nombreux, les atermoiements habituels et les dérapages
fréquents.
Pour
rester toujours dans la métaphore de l’automobile, je vous livre le regard
critique de cet enseignant et chercheur malien, Aboubacrine Assadek Ag
Hamahady: « Le Mali ressemble à un vaste
champ. On espère sur une bonne récolte sans couper au préalable les mauvaises
herbes, sans lutter contre les oiseaux prédateurs et les criquets. En plus, ce
champ foisonne de serpents au point de ne plus savoir où mettre les pieds.
Après chaque révolution dans le pays, nous faisons le plein du réservoir de la
même vieille voiture, ayant procédé à de toutes petites retouches sur la
carrosserie, en gardant toujours l’espoir que cette carcasse ira loin et
qu’elle pourra rattraper les autres, voire décrocher le rallye Paris-Dakar.
Certes la carcasse brille un peu, mais nous oublions que le moteur est pourri.
Voilà pourquoi tous les 20 ans, plutôt sur chaque 20 km, la bagnole tombe en
panne très grave. Les hommes politiques que nous voyons toujours sur scène sont
tous des mécaniciens. Ces derniers gagnent toujours gros en faisant semblant de
la réparer. Ainsi donc, ils ne souhaitent jamais une nouvelle voiture sur la
piste, car dans ce cas il y aura moins de réparations et beaucoup de
mécaniciens seront en chômage. »
Thérapie
de choc
Ce
décryptage allégorique est un raccourci de la longue liste de surprises, pas
toujours agréables, auxquelles le Mali a pu être exposé du fait de l’absence de
vision, ou plus précisément d’une vision mal conçue, mal partagée et qui
n’aurait pas été suivie d’actions durables. L’une des paroles de sagesse du
Dalaï Lama nous enseigne ceci : « quand on perd, on ne doit pas perdre la leçon
». C’est pour cette raison, que nous proposons de rectifier le tir pendant
qu’il est encore temps.
Nous ne voulons pas que le Mali soit pris en otage dans les tenailles d’un passé difficile et d’un présent peu lisible ; et que les générations futures soient contraintes à consacrer leur vie, non à développer leur pays, mais à payer, en sang et en devises fortes, la rançon nécessaire pour le libérer et recouvrer ainsi leur dignité et leur honneur, sacrifiés sur l’autel de nos atermoiements d’aujourd’hui.
Nous ne voulons pas que le Mali soit pris en otage dans les tenailles d’un passé difficile et d’un présent peu lisible ; et que les générations futures soient contraintes à consacrer leur vie, non à développer leur pays, mais à payer, en sang et en devises fortes, la rançon nécessaire pour le libérer et recouvrer ainsi leur dignité et leur honneur, sacrifiés sur l’autel de nos atermoiements d’aujourd’hui.
Face
à cette interpellation historique, j'ai proposé la « Vision 2030 » dans mon livre abécédaire intitulé « Les défis du Mali nouveau : 365 propositions
pour l’émergence » disponible en ligne sur Amazon.
L’objectif
clairement affiché est de faire du Mali une puissance émergente à l’horizon
2030. Un pays de stabilité et de sérénité qui maîtrise son changement. Le temps
de la responsabilité est donc venu. Avec lui, celui du pardon et du labeur. Les
ressorts du changement existent. La « Vision 2030 » que je propose, en
s’inscrivant dans la durée, transcende les urgences, les alternances et les
variations politiques, et va au-delà des agendas personnels. Elle se propose de
fédérer les ambitions individuelles en une seule et véritable cause commune,
celle du Mali.
C’est
dire que le choix n’est pas entre le changement ou le refus du changement ; le
choix pour le Mali réside entre changer, par la volonté de son peuple ou être
changé, par le pouvoir des puissances étrangères, démocratiques ou terroristes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire