En 2003, l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo,
trois ans avant de tirer sa révérence, s’interrogeait encore sur l’avenir du
continent africain dans un ouvrage au titre fort évocateur: À quand l’Afrique ? Professeur,
dans 20 ans, peut-on aujourd’hui lui répondre. L’Afrique, un des décideurs du
monde en 2030. L’affirmation n’est pas de moi. C’est le GPS de l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) qui l’indique. Plus exactement, c’est son directeur
général, Pascal Lamy qui l’affirme. Saisi au vol entre deux avions, par le
journaliste Jean-Jacques Bourdin, il a eu le juste temps de démêler « l’os »
de « la viande » – pour reprendre son propos – en se confiant le 01 mars 2013 dans le
« confessionnal » de la chaîne française BFMTV. Et vous pouvez lui
faire confiance, M. Lamy n’est pas du genre à confondre la viande ovine à celle
de bœuf. « Le monde a basculé, en quelque sorte,
l'année dernière, en 2012, qui est une date dont les historiens se
souviendront. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que la
production des pays développés est inférieure à celle des pays en
développement. Dans les dix ans qui viennent, la croissance annuelle des pays
en développement se situera entre 6% et 6,5%, alors que celle des pays
développés sera de 2% à 2,5% » a dit M. Lamy. Il renchérit :
« Dans l’avenir, les pays en développement
feront plus de production : leur économie dans leur ensemble devient
supérieure à celle des pays développés. Le poids de leur économie et la
croissance de cette économie sont ce qui va marquer les 10 ou 20 années qui
viennent. (…) La Chine, l’inde, l’Indonésie, le Brésil. C’est la première vague.
On la connait. On l’a déjà vu. La deuxième qui vient derrière, c’est l’Afrique,
le continent africain : 1 milliard d’habitants. » Une telle
déclaration venant du patron de l’organisation « la plus influente au
monde » – l’expression est de l’interviewer – ce ne sont pas des mots en
l’air. C’est une confession de taille. Et M. Lamy n’est pas connu pour faire
des numéros de claquette, ni du genre à caresser les tympans, encore moins à
flatter la rétine. La tonalité de son
propos est sans appel. Il révèle l’éclosion d’un nouveau paradigme dans les
relations économiques internationales.
Mais
franchement, revenons-y ! Avez-vous lu ce que j’ai entendu ? Pour la
première fois dans l’humanité, les pays dits « pauvres », y compris
d’Afrique, coiffent au poteau de la création de la richesse mondiale, les pays
dits « développés ». Mes bras me tombent dans les mains. Cela mérite
d’être fêté, dignement, dans les villages et les hameaux africains, loin des
chaumières citadines, au son du tam-tam et au clair de lune. Mais, ne nous
emballons pas et approfondissons en attendant de recevoir les chiffres
définitifs de 2012 sur le commerce mondial.
En réalité, la déclaration de Pascal Lamy souffle,
à la fois, le chaud et le froid. D’abord cela fait chaud au cœur. Nous, les
derniers de la classe planétaire, jadis les grands naïfs du commerce
international se retrouvent sur le podium mondial de l’espoir de l’humanité.
Cela fait aussi froid dans le dos. Dire que dans seulement 20 ans, le cœur des
populations mondiales va battre en Afrique, qui pour se nourrir, qui pour
s’approvisionner, qui pour commercer, qui pour travailler,…qui pour vivre ou
simplement survivre. C’est un sacré défi. Qui mérite plus que de la réflexion,
de l’action. 20 ans c’est un échéancier relativement serré pour la vie d’une
nation, pardon pour la survie d’un continent ! Il va falloir retrousser
davantage les manches. Et à voir l’état de préparation de notre continent, on
se demande comment allons-nous faire pour assumer notre responsabilité face aux
8 milliards d’habitants que comptera l’humanité en 2030, dont près du
quart seront africains ? En vérité, cela donne le tournis. Louis Pasteur disait
que « le hasard n’aide que les esprits préparés ». L’Afrique, terre
riche de ses enfants et de ses ressources, se doit d’être au rendez-vous. Selon l’organisation World Wildlife Fund, citée par le futurologue Ray Hammond (Le Monde en 2030), l’année 1986 a été
celle où le nombre d’humains vivants a atteint la limite de la capacité
naturelle de la Terre. Si en 2050 poursuit l’organisation, la population
mondiale atteint les 9 milliards (suivant une autre projection des Nations
Unies, ce niveau est attendu dès 2030), nous aurons besoin de l’équivalent des
ressources de deux planètes pour vivre ! Déjà, la Chine annonce les
couleurs. Aujourd’hui, pour disposer d’espace à abriter les nouvelles usines et
leurs ouvriers, les autorités chinoises arasent chaque six mois 710 montagnes
représentant l’équivalent de la superficie de l’Ile de France. C’est un projet
gigantesque qui nécessite un investissement de 2,6 milliards d’euro. En
Afrique, nous avons encore de l’espace et beaucoup d’espace avec une superficie
totale de 30 millions de km² et une densité démographique de seulement 34
individus au km², quatre fois inférieure à celle de la Chine (140
habitants/km²).
Va-t-on vers un monde renversé ?
Le réveil de l’Afrique après plusieurs décennies
d’atonie suscite curiosités et interrogations. Est-ce le produit d’une
dynamique interne au continent, engagée forte et irréversible ? Des fruits
d’une prise de conscience, d’une vision éclairée et d’actions ardues menées par
les africains pour infléchir les rapports de force avec le reste du
monde ? Ou est-ce simplement la résultante d’un processus naturel de
l’humanité, conçue pour changer de gouvernail tous les deux millénaires ?
Cette seconde hypothèse a un élan plus philosophique que de mains plus expertes
lénifieront. S’agissant de la première question, je vais tenter d’apporter des
pistes de réflexion.
Tableau 1: Produit Intérieur Brut (PIB) réel, taux de
croissance (%), 2007-2013
Source :
OCDE, Perspectives économiques, 27 novembre 2012
« Un
arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse ». Cet
adage pourrait bien expliquer l’asymétrie actuelle entre la récession dans les
pays développés et le boom économique des pays en développement, principalement
africains.
Graphique
1: Evolution du taux de
croissance du PIB réel dans le monde, 2007-2013, en %.
L’Afrique, depuis quelques années, affiche des
niveaux de croissance à faire pâlir d'envie l'Europe et les États-Unis,
empêtrés dans une crise économique et financière sans précédent. Les autres
nations dites riches n’offrent pas un meilleur facies à l’image des tigres et des
dragons d’Asie dont la croissance tire la langue. Seuls les quatre pays
émergents du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) se dressent en compétiteurs de
taille. Leur jonction avec le continent africain est faite par l’Afrique du Sud
qui complète le groupe à cinq depuis 2011 (BRICS). Pour le Fonds Monétaire International (FMI), le BRICS
est la locomotive de la croissance mondiale avec une contribution attendue de
plus de 61% en 2015 contre 50% aujourd’hui. Il pèse 17% du commerce mondial et
totalise une richesse de 11 221 milliards de $ avec 3 milliards d’habitants
contre 753 millions d'habitants pour le G7 (États-Unis, Japon, Allemagne,
France, Royaume-Uni, Italie, Canada) qui a un PIB de 31 763 milliards $. Selon un rapport publié en mars 2012 par Knight Frank & Citi Private Bank, la
Chine pourrait devenir la première puissance économique mondiale en 2020, avant
de se voir dépasser à son tour par l'Inde à l’horizon 2050.
Les
projections de la Banque Mondiale sur l’économie mondiale sont plus
pessimistes. Le premier vice-président et économiste en chef de l’institution, Kaushik Basu, s’en explique: « Après
les espoirs de reprise en U, on est passé par une reprise en forme de W, et le
pronostic pour la croissance mondiale en devient ardu d’un simple point de vue
alphabétique ». Dans son dernier rapport, publié le 15 janvier 2013 et
consacré aux Perspectives pour l’économie
mondiale, la Banque Mondiale projette un PIB mondial pour 2012 à 2,3 %.
Cette croissance devrait rester pour l’essentiel inchangée à 2,4 % en 2013,
pour se renforcer graduellement par la suite et s’établir à 3,1 % en 2014 et
3,3 % en 2015. Si l’on utilise des pondérations sur la base des parités de
pouvoir d’achat (PPA) de 2005, la croissance mondiale s’établirait
respectivement à 3,0 %, 3,4 % et 4,2 % pour 2012, 2013 et 2015. Pour les pays
en développement, la croissance du PIB s’est située à 5,1 % en 2012, selon les
estimations, et devrait atteindre 5,5 % en 2013 pour se renforcer encore à 5,7
et 5,8 %, respectivement, en 2014 et 2015. Pour le directeur du Groupe des
perspectives de développement à la Banque mondiale, Hans Timmer, les
pays en développement ont contribué pour plus de la moitié à la croissance
mondiale en 2012 et cela pour la deuxième année consécutive. Les pays à
revenu élevé ont par contre affiché une croissance inférieure aux prévisions,
soit 1,3 % pour 2012, un taux qui devrait se maintenir en 2013 pour passer
ensuite à 2,0 % en 2014 et 2,3 % en 2015. D’après les experts de la Banque
Mondiale, il faut s’attendre à une reprise de la croissance dans la zone euro
en 2014, le PIB étant censé subir une contraction de 0,1 % en 2013 pour se
rétablir à 0,9 % en 2014 et 1,4 % en 2015.
Des économistes pensent que l’Europe n’est pas
simplement en récession prolongée…certains de ses Etats sont presque en déclin.
Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Ni pour la planète. Encore moins pour
l’Afrique. C’est seulement la sixième étape de développement des sociétés
industrielles oubliée par l’économiste américain, Walt Whitman Rostow, après
les phases de maturité et de consommation de masse. C’est aussi et surtout une
réalité que vivent, au quotidien, des millions de personnes sur le vieux continent.
Si dans les banlieues françaises, on parlait depuis bien longtemps de
« galère », depuis peu ce sont les classes moyennes françaises et
même les riches qui médisent la « crise » en parlant de
« déprime ». C'est le monde qui est en train de se renverser ? Pas
tout à fait. C’est un accident de parcours ? Rien de cela. C’est la roue
de l’histoire économique qui dans sa trajectoire implacable, loin des
contingentements politico-sécuritaires, fait escale en Afrique. Oui, Pascal
Lamy confirme que la terre est véritablement ronde. Il
ajoute que les européens n’en ont pas suffisamment conscience. « La Chine c’est un peu loin, le Brésil ce
n’est pas tout près. L’Afrique, c’est tout près. C’est un continent dont
l’émergence importe pour l’Europe ». Nous-a-t-il demandé, nous,
africains ? Ceux habités par l’afro-pessimisme pour qui, le soleil se lève
en Europe et se couche en Afrique. A
l’appui de leur raisonnement, ils nous suggèrent de visiter les coffres de ces
milliers de voitures traversant la Méditerranée, les calles de ces bateaux, les
fonds des mers et depuis peu le
pare-chocs des voitures, pour faire la rencontre des centaines voire des
milliers d’africains, affamés et apeurés, qui y ont laissé leur seul espoir
sinon leur dernier soupir à la recherche de l’eldorado européen. Tout un
symbole du désespoir de la jeunesse africaine. A
tous, le réveil de l’Afrique a sonné. N’allez donc pas en ajouter aux 19
millions de chômeurs de l'Union européenne. Le poète espagnol, Jacinto-Luis
Guereña disait : « Vivre coûte
beaucoup, mourir également. Faire front exige de la dignité. » Le
risque ? Comme s’en risquait l’humoriste Fellag, c’est de forcer le départ
et de se rendre compte à l’arrivée du vide parce que les européens sont venus
en sens inverse, pour travailler en Afrique. Et, ce n’est pas tout à fait de la
blague. L’Angola, la puissance montante d’Afrique Australe, abrite 150 000
immigrés portugais et plus de 70 000 chinois ouvriers, contremaîtres ou
commerçants. En 2008, l’Etat angolais a volé au secours de son ancienne
puissance coloniale, le Portugal. Sa compagnie pétrolière, Sonangol, la plus
grande entreprise d’Afrique Australe et la 2ème plus grande du
continent africain (33 milliards de $ de chiffre d’affaires et une rentabilité
nette de 10% des ventes en 2011), est alors devenue l’actionnaire de référence
de la première banque privée portugaise, la Millenium BCP. Aussi, le journal
arabophone Al Akhbar relayé par le
quotidien aufait (n°1337 du 22
février 2013), rapporte qu’ils sont près de 35 000 espagnols, mécaniciens,
cuisiniers et femmes de ménage qui ont choisi le Maroc pour vivre et y trouver
du travail. L’ancien patron de la diplomatie sénégalaise, le panafricaniste
Cheikh Tidiane Gadio avait eu le nez fin. Il prédisait qu’un jour le visa pour
entrer en Afrique sera très recherché. Plus précieux que le très convoité
Schengen. Le cours de l’histoire n’est-il pas en train de lui donner
raison ?
La roue de l’histoire fait escale en Afrique. Et
pour y faire face, nous n’allons pas inventer l’eau tiède. Venir après les
autres n’a pas seulement que des mécomptes. Il recèle quelque fois des vertus. Celle
de bénéficier de la courbe d’expérience des devanciers en évitant de commettre
leurs erreurs de parcours. Et pour cela, il suffit juste de bien copier. En
langage moderne, cela s’appelle du benchmark. Et les exemples ne manquent pas.
De la Chine à l’Inde, en passant par les dragons et les tigres d’Asie. Et dans
cet exercice, les grands cabinets occidentaux dotés d’instruments modernes et
d’outils performants ne manqueront pas de mettre de l’eau dans le moulin.
Rolf Jensen du
Copenhagen
Institute for Future Studies, cité par Ray Hammond (Le Monde en 2030) résume bien
notre contexte : Le passé s’éloigne de nous à une vitesse étourdissante. Le
futur nous arrive dessus avec une vélocité accrue. L’on pourrait dire que le
futur se rapproche, jusqu’à faire pratiquement partie du présent.
L’Afrique est-elle en train de se
déplier ?
En
2010, les grands cabinets internationaux estimaient que le futur développement
de l’Afrique se fera à travers ses deux extrémités, septentrionale et australe
et qu’au milieu, entre ces deux sous-ensembles, il y a le « ventre mou »
de l’Afrique désigné sous le vocable d’Afrique Subsaharienne. Deux ans plus
tard, la réalité sur le continent est en train de changer les positions. Il ne
s’agit plus seulement des quatre pays (Afrique du Sud, Egypte, Maroc et
Tunisie) identifiés dans le Rapport « ‘’L’heure
des lions’’ : l’Afrique à l’aube d’une croissance pérenne » de McKinsey Global Institute comme étant
les ‘’lions d’Afrique’’, ou des ‘’huit lions africains’’ (Egypte, Maroc, Lybie,
Tunisie, Algérie, Afrique du Sud, Botswana, Maurice) qui abritent 35 des 40 plus
grandes entreprises d’Afrique reconnues par le Boston Consulting Group (BCG) dans son rapport « The African Challengers: Global Competitors
Emerge from the Overlooked Continent ». La saga des « lions » des cabinets
internationaux ne s’est pas estompée. C’est la tanière qui s’est élargie à
d’autres « félins ». L’Afrique d’aujourd’hui s’émancipe de tous ses
côtés. Du Sénégal à l’Ethiopie, du Maroc en Afrique du Sud en passant par
désert, savane, forêt, plaine, montagne, vallée, fleuve, lac, mer et océan.
L’Afrique bouge. Et elle est partie pour ne plus s’arrêter. Dans un mouvement
presque irréversible. Au grand bonheur de l’humanité.
Tableau 2: Evolution du PIB réel des sous-ensembles de
l’Afrique, taux de croissance (%), 2007-2013
Source :
BAD, Perspectives économiques en Afrique 2013
Cette
figure montre clairement que l’Afrique Subsaharienne composée de trois
sous-ensembles (Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale et Afrique de l’Est)
affiche depuis le début du second millénaire des niveaux de croissance plus vigoureux
que ceux observés en Afrique du Nord et en Afrique Australe, et largement
au-dessus de la moyenne mondiale.
Gagner seul ou Vaincre ensemble ?
Dans
un monde de plus en plus globalisé et dans une Afrique de plus en plus
interdépendante, aucun Etat à lui seul ne peut réussir son développement et
l’épanouissement de sa population. Les réalités économiques, politiques,
culturelles et de plus en plus sécuritaires sur le continent africain sont là
pour nous le rappeler.
Gagner
seul ? Certains pays ont tenté des échappées solitaires en se soustrayant
du peloton puis en s’ajoutant à d’autres, sans succès évident. En cause, la taille
de leur économie. Quelques chiffres pour bien se fixer les idées. Figurez-vous
que l’Afrique d’aujourd’hui, avec ses 54 pays, ne représente que 3% du commerce
mondial. Elle n’a réalisé qu’un PIB (PPA) de 3 159 milliards de $ en 2011,
soit un peu moins que celui d’un seul Etat émergent en l’occurrence le Brésil
(4 143 milliards de $) et 5 fois moins que la première puissance
économique du monde, les Etats-Unis (15 075 milliards de $). Vue sous un
autre angle, les actifs des 200 plus grandes banques de l’Afrique évalués à
1 368 milliards de $ à fin 2011 (selon le classement Jeune Afrique) représentent presque la moitié des avoirs de la
banque française BNP Paribas (1 965 milliards d’euro à fin 2011 soit environ
2 554 milliards de $). Par ailleurs, selon les données de la BAD, le
budget 2011 des 54 Etats africains, pris ensemble, s’élève en dépenses à 948
milliards de $. C’est à peu près l’équivalent du chiffre d’affaires réalisé par
deux entreprises, Royal Dutch Shell et Exxon Mobil à la même année. D’après le
classement Fortune Global 500 établi par le magazine américain Fortune, la compagnie
pétrolière anglo-hollandaise Shell a réalisé des ventes de 484 milliards de $
en 2011 et la société pétrolière et gazière américaine, Exxon Mobil, a affiché
un chiffre d’affaires de 453 milliards de $ la même année. Le budget global de
l’Afrique, c’est aussi moins que le profit réalisé en une année par les 200
premières entreprises du monde. Selon les enquêtes de Fortune, ces compagnies
ont affiché un résultat net global, déduction faite des pertes, de 1 005
milliards de $ en 2011.
Et
je force à peine le trait. Dans ces conditions, comment voulez-vous construire
à l’échelle d’un seul pays une croissance forte et durable et aspirer peser
dans les relations internationales, tant du point de vue économique que
diplomatique ? Evidemment, non. Insister, c’est comme mettre un pansement
sur une jambe de bois.
Vaincre
ensemble ? Oui, cela me semble être une posture sage : la formule
gagnante pour s’assurer des lendemains plus apaisés. C’est une question de
réalisme. Dans un précédent dossier consacré au système bancaire de l’UEMOA (Les Afriques n° 233), j’écrivais : «…Donc ne nous
leurrons pas. Personne ne ferra le développement de l’Afrique à la place des
africains. Cela n’est plus une question de conviction. C’est une nécessité.»
Au risque de paraître comme un perroquet, je
persiste et signe. La « théorie du chaos » explique qu’une variation
minime dans le mouvement d’éléments liés entre eux peut provoquer des effets en
cascade aux conséquences incalculables.
Dans
un discours prononcé à l’Université de Witwatersrand à Johannesburg (Afrique du
Sud), le 12 avril 2012, la Directrice générale adjointe de l’OMC, Valentine
Rugwabiza interpellait : « L’Afrique
demeure le continent le plus fragmenté du monde, avec 54 pays séparés par de
nombreuses frontières. Les échanges entre pays africains sont très faibles
puisqu’ils ont représenté, l’année dernière, 10% du commerce total de
l’Afrique. En comparaison, la part des échanges intrarégionaux s’élève à
environ 70% dans l’Union Européenne (27 pays), 52% en Asie, 50% en Amérique du
Nord et 26% en Amérique du Sud. (…) Ce n’est guère surprenant étant donné que
les régions les plus intégrées sont aussi les plus compétitives au niveau
mondial. La part croissante des pays asiatiques dans le commerce mondial en est
la preuve. Alors que les échanges des pays africains avec les partenaires
extérieurs, en particulier avec les économies émergentes, s’envolent, les
échanges entre pays africains stagnent. » Et franchement, si on citait
tous les plaidoyers en faveur de l’unité de l’Afrique, pour inciter les
africains à travailler entre eux, on fera des bibliothèques à perte de vue.
Chacun y va de sa belle plume, des afro-pessimistes aux afro-optimistes en
passant par les afro-réalistes. Mais, malgré tout, presque rien ne bouge de ce
côté-là. Tenez ! Est-il normal que la sardine en conserve consommée en
Afrique Centrale et produite en Afrique du Nord soit importée d’Europe ?
Les médicaments fabriqués au Maghreb et destinés au marché subsaharien
doivent-ils transiter par la France pour atteindre leur
destination africaine ? En somme, pourquoi l’Afrique ne fait-elle pas
confiance à l’Afrique ? Pourquoi l’Afrique n’ose-t-elle pas
l’Afrique ? Pour faire court, pourquoi l’Afrique a-t-elle peur de
l’Afrique ? N’avez-vous pas remarqué, souvent, que même un simple cadeau
offert en Afrique prend de la grâce avec une étiquette « made in » Union
Européenne, ou UK, ou USA ? Dès que vous dites c’est fabriqué dans un pays
africain, le produit même de meilleure qualité perd de sa valeur. C’était il y
a quelques années le cas des produits chinois. Aujourd’hui, l’Empire du Milieu a
réussi par la force du travail, la discipline, l’innovation, et surtout la
confiance de tout un peuple à faire évoluer les mentalités dans le monde. Un
produit chinois n’est pas forcement du toc, du « low cost » ou du « low quality ». La Chine est devenue le plus grand atelier du
monde et produit pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Saviez-vous
que la Chine fabrique plus d’un appareil photo numérique sur deux vendus dans
le monde, plus d’un téléphone mobile sur deux utilisés et que 80% des
jouets fabriqués dans le monde sortent des usines chinoises ? Après avoir
été "l'atelier du monde", la Chine ambitionne à l'horizon 2020 de
devenir "le laboratoire du monde". Et que succède définitivement au « Made in
China » le « Made by China ». Pour ce faire, les autorités
chinoises ont mobilisé des moyens considérables de toutes les structures publiques
et privées. Selon le
Bulletin n°02 de Mai 2012 du Service pour la Science et la Technologie de
l'Ambassade de France en Chine, l’Académie des sciences de Chine
(CAS) a publié en 2010 une « feuille de route » sur une période de 40 ans
(2010-2050). En 2010, les dépenses globales en Recherche et Développement (R&D) en Chine s’élevaient à environ 85,8
milliards d’euros, soit un montant 6,6 fois plus élevé qu’en 2000. L’objectif
affiché du gouvernement chinois est d’investir 2,5 % du PIB dans la R&D à
l’horizon 2020. Déjà, en 2008, près de 15 000
entreprises chinoises menaient des activités en science et technologie. Sur les
48,45 millions salariés de ces entreprises, 2,5 millions (l’équivalent de la
population de la Namibie) étaient directement impliqués dans la recherche. Le
premier empereur des Français, Napoléon 1er n’a pas eu tort en
prédisant l’hégémonie de l’Empire Céleste. «
Quand la Chine s’éveillera, le monde
tremblera ! » disait-il. Sa prophétie s’est réalisée deux siècles plus
tard. L’Afrique, elle, n’attendra que vingt petites années pour mettre la
planète en mouvement. Parole de l’OMC.
Après
toutes ces émotions, en chiffres et en lettres, autorisons-nous une pause
détente pour répondre à la question précédemment posée : Pourquoi
seulement 10% des transactions commerciales des pays africains se font avec
leur continent ? Pourquoi donc l’Afrique ne fait-elle pas confiance à
elle-même ?
Un
humoriste raconte que deux hommes, un africain et un asiatique, se sont donné
rendez-vous sur le toit d’un gratte-ciel pour tester leur foi.
L’asiatique
dit qu’il peut se lancer du haut de l’immeuble et toucher terre sans coup
férir, rien qu’en récitant le nom de son Dieu. L’Africain rétorqua qu’il peut
faire de même, et même en mieux. Arrivés sur la partie supérieure de
l’immeuble, l’asiatique joint l’acte à la parole. Avec beaucoup d’humilité et
de conviction, il prend position, fait son signe et d’un coup sec se lança dans
le vide. ‘’Bouddha ! Bouddha ! Bouddha !...’’ répéta-t-il dans
un silence majestueux. Et hop ! Le voilà, bien en jambes sur terre. Plus
frais que jamais et heureux de l’engagement tenu. Vint maintenant le tour de
l’africain. Il gesticule, apprécie la hauteur de l’immeuble et psalmodie des
litanies. Il se penche, se redresse, s’assied et finit par se relever. Dans un
bruit assourdissant, il se jette pour le grand saut. Plus il descend, plus la
vitesse s’intensifie et plus sa gorge se noue. Il commence à comprendre que le
défi ne sera pas facile à relever. Devant tant de peine, en milieu de parcours,
il eut le temps de se rappeler la litanie de son compétiteur. D’un geste de
dépit, il ferme les yeux et entonne : ‘’Bouddha ! Bouddha ! Bouddha
!...’’. Et, boum ! Le voilà qui atterrit de tout son poids sur ses jambes
repliées par tant d’effroi. Il s’est dit que je l’ai échappé belle. Sans gros
tracas, il alla serrer la main de l’asiatique.
L’humoriste
conclut son sketch : « l’Africain croit en Dieu mais il n’a pas
confiance en Dieu ». Ce qui en réalité n’est pas exact. Cette histoire
drolatique pour rappeler qu’on peut dire des choses sérieuses sans tristesse. Ramenée
à notre questionnement, pour dire que nous devons avoir confiance en l’Afrique,
pour qu’ensemble nous puissions nous épanouir. Le mot est lâché :
confiance. Posture sans laquelle rien de durable ne peut se construire.
Peuples
d’Afrique, unissez-vous ! Tel pourrait être l’étendard d’un plan « Africa
2030 » baptisé à souhait et à volonté « Plan Madiba ». C’est mon ambition
pour l’Afrique. Un plan à l’échelle continentale qui va fédérer les
« Vision 2030 » qui existent dans presque tous les pays africains. Un
plan assorti d’une feuille de route consensuelle et réalisable tenant compte
des aspirations profondes des populations africaines, élevées à l’occasion et
plus que jamais au rang de priorité absolue. Un plan ouvert sur le reste du
monde à travers des partenariats solides et équitables. Un plan qui fera de
l’Afrique le siège de la croissance économique mondiale. Une Afrique qui dit
OUI à l’union, à la liberté, à la démocratie, à la croissance, à l’emploi, à
l’habitat, à la santé, à l’énergie, aux infrastructures, à la justice, à la
bonne gouvernance…au développement de ces pays et au bien-être de ses
populations. Une Afrique qui dit NON à la division, à la guerre, aux coups
d’état, à la famine, à la corruption, aux épidémies, au chômage. Une Afrique
fière, débout, qui regarde l’avenir avec optimisme. Une Afrique « arc-en-ciel »
où toutes les sensibilités comptent, où toutes les différences s’expriment. Du
Nord au Sud, d’Est en Ouest. Sans distinction de sexe, de couleur de peau, de
confession, de statut social et d’opinion politique. Une Afrique conquérante.
Qui ne regarde pas seulement dans le rétroviseur. Une Afrique, lavée à grande
eau, qui avance. Une Afrique résolument engagée dans la voie du développement
et du bien-être de ses enfants. Une Afrique qui sait aussi se défendre contre
le pillage systématique de ses terres, de ses cerveaux, de ses ressources
minières, agricoles…, en un mot de ses richesses. Une Afrique qui attaque, qui
innove, qui dialogue dont la voix porte au-delà de la voie étriquée dans
laquelle elle est et s’est confinée depuis plusieurs décennies. Une Afrique
tolérante et apaisée. Et pour s’y engager, il faut d’abord l’aimer et être fier
d’en appartenir. L’Afrique ressemble à la moitié du cœur dont l’autre partie se
mérite.
En cela, l’africain pourrait s’inspirer de cette
belle histoire du handisport contée par Christian Godefroy qui au-delà de sa
véracité parle à notre conscience collective. Un moment émouvant de grande
humanité.
Il
y a quelques années pendant les Paralympiques, neuf participants, tous
déficients mentaux ou physiques, se sont alignés pour le 100 mètres haies. Ils
se sont élancés au signal, pas exactement en bon nombre…mais tous avaient la
volonté de terminer la course et de gagner. Tous, à l’exception d’un jeune
sportif qui s’est étalé sur la piste au passage de la première haie. De douleur
et de dépit, il s’est mis à pleurer. Les autres l’ont entendu et se sont
retournés. Ils ont ralenti et ont fini par s’arrêter. Alors, une chose inédite
s’est produite : les huit sportifs sont revenus sur leurs pas pour aider
celui qui était tombé. Une jeune fille avec le syndrome de down s’est même
penché sur le blessé pour lui donner un baiser et l’encourager :
‘’T’inquiètes pas, maintenant ça va aller‘’. Ce jour-là, le record du monde n’a
pas été battu, mais les neufs sportifs ont passé la ligne d’arrivée ensemble,
bras dessus bras dessous. Le stade entier était débout et a applaudi à tout
rompre pendant plusieurs minutes…Ils étaient encore plus enthousiastes que pour
un record battu.
Christian Godefroy s’interrogeant sur la raison
d’une telle performance collective répond : « L’important dans cette vie n’est pas tant de gagner seul que d’aider
les autres à vaincre, même si cela signifie parfois diminuer sa vitesse et
passer la marche arrière… » Pour Henri Ford : « Se réunir est un début, rester ensemble est
un progrès ; travailler ensemble
est la réussite. »
Nous sommes à la ligne d’arrivée. En 2030. Fermer
les yeux et pensez à l’Afrique débout, défraichie de ses ondes négatives, qui applaudit l’Afrique qui gagne ensemble.
Mais, attention ! Travailler ensemble ce
n’est pas faire tous la même chose. Travailler ensemble ne veut pas dire qu’il
n’y aura pas de tensions, d’oppositions et même de conflits, et que tout doit
être linéaire. Un administrateur d’une banque malienne en redressement
déclarait en 2007 aux représentants du personnel : « Le chemin peut être encore long, vous allez
sûrement avoir quelques difficultés. Mais, essayez de rester en famille unie,
une famille qui sait traiter ses problèmes internes sans les exposer dans la
rue. » La japonais Maharishi Mahesh Yogi résume bien la déclaration de
l’administrateur : « Chaque goutte de sève contient la plénitude
de l’arbre entier. »
Ensemble
ne veut pas dire que si le milliard d’africains ne partent pas ensemble, d’un
trait, il faut annuler la course au développement. En d’autres termes, il ne
faut pas attendre que tout le monde soit d’accord pour démarrer. Dans ce cas,
la locomotive ne sortira jamais de la gare. On ne peut pas continuer à
enseigner la natation sans jamais toucher à l’eau. Ensemble veut dire tous
ensemble, sans laisser aucun pays sur le carreau, à la merci du
sous-développement. Un officier malien rapporte qu’un Général français, lors de
la deuxième guerre mondiale, disait : « Une armée perd la guerre quand le Caporal mouille sa culotte ».
Les actions peuvent être plurielles – c’est même souhaitable – mais l’objectif
est unique : assurer l’émergence économique de l’Afrique et la prospérité
des africains. C’est une aventure commune qui donnera naissance à une œuvre
collective.
Et
cette locomotive « Africa 2030 » a un nom. Elle s’appelle MANGANESE.
C’est un acronyme qui désigne les économies de 9 pays africains, Morocco, Algeria, Nigeria, Ghana, Angola, Namibia,
Egypt, South Africa, Ethiopia. Neuf Etats
africains, au parcours différent mais liés par un destin commun : être les
précurseurs d’une Afrique généreuse envers elle-même, plus solidaire, plus
solide, plus confiante, plus engagée.
Le MANGANESE d’Afrique
Après les dragons et les
tigres d’Asie, et récemment les lions d’Afrique, j’aurai pu rester sur ces thèmes et même arpenter
dans le même sillage en vous parlant de panthères, d’éléphants ou de girafes
d’Afrique. Ou même prendre de la hauteur pour vous converser des aigles
d’Afrique. J’aurai pu donc rester dans la sphère animalière. Mais cet adage
africain m’a retenu : « Tant que les
lions n'auront pas leurs propres historiens, les récits de chasse continueront
de glorifier les chasseurs ». A sa suite, dans
un des contes du terroir africain, la juriste malienne Fatoumata Diarra-Dembélé
rapporte: « L'animal qui faisait une
brillante prestation était revendiqué par chacun comme étant son très proche
parent. Dès que le sujet brillant offensait un puissant des lieux, le héros,
précédemment adulé, perdait la sympathie de tous et se retrouvait rejeté par
tous par peur d'avoir à partager les représailles dirigées contre l'infortuné. »
Alors, j’ai préféré la
profondeur des terres africaines. Et vous entretenir d’un nouveau concept,
inspiré du riche sous-sol africain, objet de toutes les convoitises et de
toutes les attentions. Et, j’y ai extrait un minerai, peu connu à l’image d’un
continent se réveillant d’un long sommeil: le manganèse.
Les raisons d’un choix
Le choix de ce métal ne s’est
pas fait à la corbeille. Ce n’est pas non plus à dire d’experts. Il est le
fruit d’une réflexion à plusieurs étages d’un acteur de la scène africaine,
engagé et intéressé.
D’abord, le manganèse est le
symbole de la richesse minière de l’Afrique. Selon une étude de juin 2010, les
experts du McKinsey Global Institute
(MGI), un institut de recherche du groupe McKinsey, estiment que le continent
africain est assis sur un potentiel minier unique dans le monde: 10% des
réserves mondiales de pétrole, 40% des réserves mondiales d’or, 80% du chrome
et 90% du groupe des métaux du platine. Au total, 30% des ressources minérales
du monde. Ensuite, l’essentiel du manganèse se trouve en Afrique, notamment
dans le sous-sol de la première puissance économique du continent, la
République sud-africaine, qui en concentre 80% des réserves mondiales.
Troisièmement, la couleur de ce métal, le gris, est le symbole de la diversité
culturelle du continent. C'est un métal dur et fragile à l’image de notre
continent qui a toujours su se relever de ses propres contradictions et des
vicissitudes de son environnement. Le manganèse est aussi le symbole de l’union,
de l’interdépendance. C’est un métal de transition du fait que 90 % de sa
production est utilisée pour la préparation d’alliages. A l’image des neuf pays
cités qui assurent la transition de leurs économies vers l’émergence. Et, à
travers elles, de celle de toute l’Afrique. Enfin, et ce n’est pas rien, le
manganèse est un oligo-élément nécessaire à l'homme pour survivre et qui aide à
lutter contre le vieillissement du corps. Preuve que l’Afrique est une chance
pour l’humanité. Selon la BAD, avec
près de 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, l’Afrique possède la
population la plus jeune du monde. Les experts de McKinsey prédisent que
la main-d’œuvre africaine, la population en âge de travailler (15-64 ans), sera
d’un milliard de personnes en 2040 soit la plus nombreuse au monde, dépassant
celle de la Chine et de l’Inde.
Le
manganèse sacralise aussi le nombre 9, nombre des lettres du mot, symbole de la
gestation humaine et donc de la renaissance de l’Afrique. C’est aussi le nombre
qui représente le mieux la carte de l’Afrique, continent riche de ses 54 Etats
membres (5+4=9) avec son milliard d’habitants (5-4=1) mobilisés à construire
une Afrique nouvelle, à s’engager pour l’Afrique émergente à l’horizon des deux
prochaines décennies (5x4=20).
Pour
autant que ces explications soient sympathiques, cette short-list de 9 pays n’est
pas forcément le podium des 9 meilleurs de la classe. Ce n’est pas le sens de
mon engagement. Et l’heure ne s’y prête pas. C’est néanmoins un parti pris de 9
pionniers parmi d’autres, qui de par leur dynamisme symbolisent une Afrique qui
avance, l’Afrique qui gagne. Il n’y a donc pas de finitude conceptuelle. Certains
« Lions » figurant en 2010 dans la « tanière » des cabinets
internationaux auraient pu faire partie de cette ennéade
comme le Botswana, Maurice, la Tunisie et la Libye. Le Botswana affiche depuis
30 ans une croissance annuelle exceptionnelle de 8,2%. C’est le 1er
producteur mondial de diamant, et ce métal représente 83% de ses exportations et
le tiers de son PIB. L’Ile Maurice est un Etat insulaire de l’Océan Indien avec
une modeste superficie de 2 040 km² et l’un des revenus annuels par habitant
les plus élevés du continent (15 000 $). C’est un pays prospère qui a été classé
en 2011 premier en Afrique en termes de démocratie, climat d'investissement,
bonne gouvernance et 8ème dans le monde en liberté économique. Quant
aux deux pays du Maghreb, la Tunisie et la Lybie, même s’ils peinent à se
stabiliser suite aux bouleversements politico-sociaux induits par le « Printemps
Arabe », les fondamentaux de leurs économies tiennent encore. Selon le
rapport de la Banque mondiale, sur les perspectives économiques mondiales, publié
en janvier 2013, la Lybie a enregistré une chute vertigineuse de sa croissance
qui s’est établit à -61,1% en 2011 contre -1,8% pour la Tunisie la même année.
Les auteurs du Rapport prédisent aussi un redressement de l’économie de ces
deux pays pour les trois prochaines années (2013-2015) et dont le taux se
situera dans la fourchette positive 7,6-5,1 pour la Lybie et entre 3,2-4,8 pour
la Tunisie. Les analystes du Peterson
Institute estiment qu’une enveloppe de 200 à 300 milliards de $ sur 10 ans
sera nécessaire pour stabiliser les pays du sud de la Méditerranée. Pour notre
part, sans détenir la boule de cristal, nous présageons que dans quelques
petites années, ces « lions » rugiront de plus belle et reprendront
du poil de la bête. Et sans doute, nous redoublerons d’initiative pour
retrouver un autre métal à la dimension des nouvelles réalités qui se présenteront
sur le continent.
En
vérité, l’ensemble des 54 Etats africains méritent d’être sur le podium. Tant
la performance économique du continent a été remarquable ces dernières années
confirmant ainsi l’exceptionnelle résilience de l’Afrique face à un environnement
international ballotté par les crises à répétition (financière et économique)
et balafré par les catastrophes naturelles (séisme et tsunami au Japon en mars
2011, et ouragan Sandy et sécheresse aux Etats-Unis en 2012 qui ont causé des
pertes économiques évaluées à 509 milliards de $ par les Nations Unies). En
2012, l’Afrique a été le principal contributeur de la croissance économique
mondiale avec plus de la moitié du taux réalisé.
Vue d’ensemble des pays du
MANGANESE
Les pays du MANGANESE, établis sur près du tiers de la superficie de
l’Afrique représentent un peu moins de la moitié de la population africaine.
Leur production est évaluée à 2 183 milliards de $ soit environ 70% de
l’assiette continentale. Pour mettre ces neuf pays en perspectives, nous avons
privilégié trois paramètres : le produit intérieur brut (PIB), son taux de
croissance annuel moyen (2003-2011) et le PIB par habitant. Les données sont
exprimées en parité de pouvoir d'achat (PPA) pour neutraliser l’effet des taux
de change des devises.
Source :
BAD, Perspectives économiques en Afrique 2012
Graphique 3: Le MANGANESE d’Afrique, Indicateurs économiques de
base, 2011
Cette figure fait apparaître trois couples économiques dont
deux affichent une croissance annuelle en retrait par rapport à la moyenne
observée sur le continent (5,2%). Il s’agit du binôme Algérie-Maroc et de la
paire Egypte-Afrique Sud. Dans le premier cas, le Maroc affiche une croissance
moyenne annuelle, observée entre 2003-2011, supérieure de 1,1 point à celle de
l’Algérie qui affiche une production, en valeurs monétaires 1,5 fois plus
importante que son voisin. Par contre l’écart se réduit au niveau du PIB par
habitant, avec un différentiel de 1 806 dollars en faveur de l’Algérie.
Quant au second couple doté presque de la même superficie terrestre, les deux
pays se tiennent dans un mouchoir de poche avec pratiquement le même niveau de
PIB. Par contre, ils se croisent s’agissant du taux moyen de croissance qui est
plus vigoureux en Egypte qu’en Afrique du Sud, pays dont le niveau de vie de la
population ressort nettement supérieur avec 10 223 dollars par individu et
par an. Quant à l’Angola et l’Ethiopie, les deux pays ont le même profil de
croissance et de richesse. Leur PIB annuel évolue autour de 115 milliards
de $ avec une croissance moyenne annuelle à deux chiffres. Par contre, les
écarts se creusent au niveau du PIB/habitant. L’Angola enregistre pratiquement
le double du revenu annuel par individu observé sur le continent. Quant à l’Ethiopie,
l’impact du boom économique sur sa population reste encore à confirmer. Tout
comme le Ghana dont le niveau de vie reste en phase avec la moyenne
continentale. Le Nigéria, troisième puissance économique du continent,
chevauche seul avec une croissance robuste de 7,5% durant la dernière décennie,
de 2,3 points au-dessus de la moyenne africaine. La Namibie se présente avec
les indicateurs les plus modestes de cette ennéade
sauf le PIB par habitant qui ressort à 6 700 $ (le double de la moyenne du
continent) et une croissance annuelle de son économie juste dans les limites de
la moyenne africaine.
Focus sur les pays du MANGANESE
L’essentiel de nos données sont issues des
statistiques du Rapport sur les « Perspectives
économiques en Afrique ». C’est un document de référence,
collectivement rédigé par la Banque africaine de développement (BAD), le Centre
de développement de l’OCDE, la Commission économique des Nations Unies pour
l’Afrique (CEA), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
ainsi que par leurs partenaires. A des fins de simplification, ce rapport est
cité dans ce dossier comme celui de la BAD.
Tableau 4: Le MANGANESE d’Afrique, Evolution du taux de
croissance du PIB réel, 2003-2013, en %.
Source :
BAD, Perspectives économiques en Afrique, 2012
Selon les analystes de la BAD, la performance économique
de l’Afrique en 2011 a été doublement affectée par la crise économique mondiale
et les soulèvements en Afrique du Nord. La croissance du continent est passée de
5% en 2010 à 3,4% en 2011. Les experts prédisent que les perspectives
économiques de l’Afrique resteront optimistes en liaison avec la reprise des
économies d’Afrique du Nord et l’amélioration soutenue dans les autres régions.
Au total, la croissance du continent devrait accélérer pour atteindre 4,5% en
2012 et 4,8% en 2013. Ce niveau devrait être supérieur d’au moins 1 point par
rapport à la croissance mondiale et pratiquement même de 2 points si l’on tient
compte des récentes prévisions prudentes de la Banque Mondiale.
MAROC
Durant
la dernière décennie, le Maroc a accompli de progrès gigantesques qui a
propulsé le pays au rang des économies les plus dynamiques du continent
africain. Il revendique la deuxième puissance économique du Maghreb et se
classe au cinquième rang africain, après l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Nigéria
et l’Algérie. De 2003 à 2011, le taux de croissance annuel moyen du Maroc s’est
établi à 4,8%, à cheval entre la moyenne de l’Afrique du Nord (4,4%) et celle
du continent (5,2%). Il ambitionne de faire de sa capitale économique,
Casablanca, un hub régional et les capitaines de ces industries descendent de
plus en plus au sud du Sahara pour chercher des relais de croissance. L’impact
de cette expérience est encore modeste – seulement 6,5% des échanges
commerciaux du Maroc en 2012 ont été réalisés avec le reste du continent
africain (selon les données de l’Office de Changes, IMEE n° 12/2012,
31/01/2013). Mais tout porte à croire que la dynamique engagée est irréversible
et dont Casablanca Finance City (CFC), la future place financière africaine,
n’est qu’un des prolongements naturels. Parmi les artisans de cette performance
de l’économie marocaine, figure en bonne place l'Office Chérifien des Phosphates
(OCP). Fondé en 1920, l’OCP est aujourd’hui l’un des fleurons du tissu
industriel du Maroc. Il est le premier exportateur mondial de roche (36,4% de
Parts de Marché) et d’acide phosphorique (51,0% de Parts de Marché). Le groupe
OCP, avec 20 000 collaborateurs, a réalisé un chiffre d’affaires de 5 milliards
d'euros en 2011. Selon le bulletin de l’Office de Changes, les phosphates et
dérivés représentent 26,3% des exportations du Maroc en 2012.
L’engagement du Royaume Chérifien sur le continent
est multiforme. Outre la poussée offensive des trois champions bancaires (Attijariwafa bank, Banque Populaire et
BMCE), des sociétés d’assurance, des BTP, des entreprises agro-industrielles et
de services, implantés dans 25 pays du continent, la marque « Made in
Maroc » est essaimée par la compagnie nationale Royal Air Maroc dans le ciel africain 24 fois étoilé. C’est l’une
des trois plus grandes compagnies aériennes d’Afrique avec South African Airways et Air
Algérie, transportant 7,5 millions de passagers par an vers 80 destinations
à travers le monde.
Outre
ces engagements économiques, la participation du Maroc dans la formation des
décideurs de l’Afrique de demain est aussi une réalité. C’est l’un des pays du
continent qui accueille le plus d’étudiants africains sur son sol. Ils sont
environ 15 000 jeunes issus de 42 pays africains, dont 7 000
boursiers du gouvernement marocain, qui étudient dans 370 établissements répertoriés sur le site du CESAM (Confédération des Élèves, Étudiants et
Stagiaires Africains Étrangers au Maroc). Le Royaume entretient depuis
près de 30 ans une politique de proximité avec la future élite africaine.
Aujourd’hui, bon nombre de décideurs économiques, politiques et militaires sur
le continent ont fait leurs études supérieures ou des stages de
perfectionnement au Maroc.
Graphique 4: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) du Maroc par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Les
perspectives du Maroc restent bonnes sur les prochaines années, avec un taux de
croissance presque au même niveau que la moyenne africaine et largement
au-dessus de celui de l’économie mondiale. Ainsi, le taux de progression du PIB
réel devrait se consolider autour de 4,5 et 4,8 % respectivement en 2012 et
2013. Pour sa réalisation, le Maroc pourrait compter sur le dynamisme de son
secteur financier (banques, assurances), de ses industries et aussi de son
agriculture. Il faut rappeler que l’agriculture est un pilier essentiel de
l’économie marocaine. Ce secteur
représente en moyenne 15 % du PIB, 23 % des exportations et emploie
près de la moitié de la population active. Un des chantiers phares de
l’émergence du Maroc est le Plan Maroc Vert (PMV) qui constitue le socle de sa
stratégie agricole pour la période 2008-2020. Selon un récent rapport
d’évaluation de la Banque Mondiale, daté du 19 février 2013 et relatif au
Projet Agriculture Solidaire et Intégré, l’objectif du PMV est de doubler la
valorisation du secteur agricole et à crée avec la création de 1,5 million
d’emplois. Pour ce faire, 550 projets ciblant 855 000 petits agriculteurs
devraient être mis en œuvre dans l’ensemble du Maroc d’ici à 2020. C’est un
investissement majeur qui nécessitera la mobilisation d’une enveloppe
financière de 2,37 milliards de $, dont les trois quarts seront financés par
des investissements publics, le reste à la charge des bénéficiaires. Aux dires
des auteurs du rapport, ces fonds ont déjà permis d’accroître la production
entre 2006 et 2011, notamment d’olives (83 %), agrumes (36 %), dattes (45 %), viande
rouge (22 %), et produits laitiers (35 %). Le secteur touristique n’est pas en
reste. Sa stratégie est fondée sur la «Vision 2020» qui prévoyait en 2010 le
doublement des arrivées touristiques, soit près de 18 millions de touristes, et
ainsi faire du Maroc l’une des 20 premières destinations touristiques
mondiales. Selon le classement de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le
pays occupait la 26ème position en 2012. Il est attendu des recettes de l’ordre de 13 milliards
d’euro en 2020, soit une somme cumulée sur la décennie proche de 100 milliards
d’euro. Cet engouement pour la destination « Maroc » a dû faire dire au
Maréchal de France, Louis Hubert Gonzalve Lyautey que « le Maroc est un pays froid où le soleil est chaud ».
ANGOLA
Depuis près d’une décennie, les
taux de progression de l’économie angolaise affolent tous les compteurs :
plus de deux fois la croissance moyenne observée sur le continent africain et
presque trois fois celle dans le monde. Le taux moyen du PIB de l’Angola a été
de 11% entre 2003-2011 contre 5,2% pour la moyenne observée en Afrique. Après une
longue période d’atonie liée à la guerre civile dans le pays, l’économie
angolaise a démarré en trombe à partir de l’année 2002. Durant la période
2003-2011, elle est passée par deux phases. Elle a été très robuste entre
2004-2008 avec des pics exceptionnels au-dessus de la barre des 20%. Le PIB,
exprimé en valeurs monétaires, doublait tous les trois ans. A partir de 2009,
sous l’effet conjugué de la crise mondiale et de l’effondrement des cours du
pétrole, la croissance économique angolaise s’est ralentie. Le taux de
progression du PIB a oscillé entre 2,4% et 3,5% entre 2009 et 2011.
Le
boom économique de l’Angola est tiré principalement par le pétrole et le
diamant. Selon les statistiques 2011 de l’Agence
américaine d'Information sur l'Energie, Energy
Information Administration (EIA), relayées par l’Association des
Producteurs de Pétrole Africains (APPA), l’Angola détient les 3èmes réserves de
pétrole les plus importantes d’Afrique avec 13,8 milliards de barils, après la
Lybie (46,42 milliards) et le Nigéria (31,3 milliards). Au niveau de la
production pétrolière, l’Angola améliore son classement en se positionnant à la
2ème place sur l’échiquier continental, avec 1,785 millions de
barils par jour. Le pays dispose
d’autres ressources minières dont le diamant pour lequel il occupe le 5ème rang
mondial. Selon l’US Geological Survey, l’Angola a produit 83 millions de carats
de diamant entre 1993-2009. L'Angola est le premier partenaire commercial de la
Chine sur le continent africain avec des échanges commerciaux de plus de 20
milliards de $ en 2011.
Selon les services économiques
de l’Ambassade de France en Angola, les autorités de Luanda ont annoncé le 18
octobre 2012 la création d’un Fonds souverain d’investissements doté de 5
milliards de $. Le « Fundo Soberano de
Angola - FSDEA » servira au financement des infrastructures (eau potable,
assainissement, électricité, tourisme-hôtellerie, transports) et des projets
structurants dans les domaines agricole et industriel.
Graphique 5: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) de l’Angola par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Les
perspectives économiques restent bonnes pour l’Angola. Les analystes de la BAD prévoient
un relèvement de sa croissance économique en 2012 et 2013, respectivement de
8,2% et 7,1%. Cette performance est attendue de l’expansion de la production
pétrolière et du lancement du projet de complexe de gaz naturel liquéfié
(Angola GNL), d’un coût estimé à 9 milliards de $.
Je
ne peux fermer cette fenêtre sur l’Angola sans avoir une œillade affective à un
des artisans de la paix dans ce pays, le charismatique diplomate malien, Maître
Alioune Blondin Bèye. Il a été commis en juin 1993 par le Secrétaire Général de
l’ONU de l’époque, Boutros-Boutros Ghali, au chevet de l’Angola en proie à la
guerre civile. Celui que son mandant surnommait « l’Orfèvre du Droit
international » est parvenu à arracher aux belligérants un accord de
cessez-le-feu le 20 novembre 1994. Il déclarait : « Nous faisons chacun ce que nous pouvons, en
notre âme et conscience, pour aider nos frères angolais à sortir leur pays du
fléau de la guerre. Nous sommes les premiers conscients qu’il n’y a ni homme
providentiel, ni solution magique, que la solution définitive du drame angolais
se trouve entre les mains des angolais eux-mêmes d’abord. » Dans un ouvrage
intitulé « Les hommes politiques maliens et africains »,
Mohamadoun Baréma Bocoum disait du bouillant avocat, un panafricaniste
passionné, pétri d’engagement et d’action, ‘’sûrement entêté mais pas naïf’’. C’est
au service de cette cause africaine qu’il a rendu l’âme le 26 juin 1998. Me Bèye ne manquait jamais de
pédagogie dans sa démarche. « L’homme doit être une marmite pour se mettre
entre le feu et l’eau : on doit avoir la patience, tout supporter pour
servir de médiateur, de conciliateur entre des personnes si différentes que le
feu et l’eau. » disait-il. Le destin ne l’a pas permis d’assister à l’accord
de paix de Luanda du 4 avril 2002, entre la partie gouvernementale et les
forces de l’UNITA, mettant ainsi fin à 27 ans de guerre civile dans le pays (1975-2002).
Le grand Chancelier des Ordres Nationaux du Mali, le Colonel Koké Dembélé, dans
l’oraison funèbre disait de Me Bèye : « Soldat, tu as tellement cru à ton devoir, que tu es mort pour le
remplir. Mourir après avoir accompli un devoir, c'est mériter de vivre toujours
». Cher Maître, votre culte de la persévérance a porté ses fruits : les 20
millions d’angolais vivent aujourd’hui en paix et livrent, ensemble, la seule
bataille qui vaut, celle pour la croissance et le développement de leur pays,
et au-delà de toute l’Afrique.
NIGERIA
Véritable
locomotive de l’Afrique de l’Ouest, le Nigéria a enregistré un taux de croissance moyen du PIB de 7,5%
durant la période revue (2003-2011). En comparaison, la croissance moyenne du
PIB de la sous-région a été de 6,3% et celle de l’ensemble du continent de
5,2%. L’économie nigériane repose principalement sur les revenus pétroliers et
gaziers. D’après les données 2011 de l’Agence américaine d'Information sur
l'Energie, Energy Information
Administration (EIA), relayées par l’Association des Producteurs de Pétrole
Africains (APPA), le Nigéria est le premier producteur de pétrole en Afrique
avec 2,53 millions de barils par jour. A ce rythme et à l’état actuel des
recherches, le pays peut s’assurer une rente pétrolière pendant 34 ans. Il a aussi
réalisé une production de 23 millions de tonnes de gaz naturel en 2011, soit
environ 7% de la production mondiale, avec une contribution de 4% au PIB national.
Le Nigéria détient les septièmes plus importantes réserves gazières au monde,
estimées à environ 185 milliards de pieds cubes. Les
réserves de change du pays se sont chiffrées à 45,7 milliards de $ au 16
novembre 2012, soit l’équivalent de 6 mois d’importation.
L’engagement du Nigéria pour la cause africaine est très visible
allant de la finance à la sécurité. Il est le premier contributeur du fonds
concessionnel de la BAD. Le fonds éponyme, Fonds spécial du Nigeria (FSN), a
été créé en 1976 suite à un accord entre les deux parties et est géré par le
Groupe de la BAD. Le capital actuel du FSN est de 200 millions de dollars. Ce
fonds finance des projets, sans intérêts avec des maturités pouvant atteindre
20 ans assorties d'une période de différé de 7 ans. Le pays abrite le siège de
la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest),
organisation sous-régionale qui compte aujourd’hui 15 Etats membres, et le Maroc
comme membre observateur.
Graphique 6: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) du Nigéria par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Selon
les projections de la BAD, les perspectives économiques du Nigéria à moyen
terme restent positives avec un niveau de croissance autour de 7%. Le Bureau
national de statistique du Nigéria se veut plus optimiste avec un taux de
progression du PIB projeté à 8 % en 2013. Suivant le Document
de stratégie pays (DSP) de la BAD consacré au Nigéria publié en janvier 2013, le
programme de développement à long terme du Nigéria dénommé « Vision
20/2020 », et le programme national de transformation du Nigeria
(TA/2011-2015) prévoient de faire du Nigéria l’une des 20 économies les plus performantes
au monde d’ici 2020. Dans
un article publié dans le Financial Times en août 2010, et repris par Jeune
Afrique H-S n° 26, Jim O’Neill, chef économiste chez Goldman Sachs et inventeur de l’acronyme « BRIC », prédisait que le
Nigeria pourrait bien, en 2050, peser plus lourd que le Canada, l’Italie ou la
Corée du Sud. D’autres experts présagent que le Nigéria serait la plus grande
puissance économique de l’Afrique à l’horizon 2030.
L’écrivain
nigérian Wole Soyinka, premier auteur africain à recevoir le prix Nobel de
littérature en 1986, disait : « Le
tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore ».
Gageons que le tigre soit le Nigéria et au mieux l’Afrique. Et Adjurons que la
proie soit le sous-développement.
GHANA
L’agriculture est un secteur clé de l’économie
ghanéenne. Elle représente environ 39% du produit national brut et emploie près
de 50,6 % de la population active, soit 4,2 millions de personnes. Les
autorités comptent dynamiser le secteur sous l’impulsion du METASIP (Medium Term Agriculture Sector Investment
Plan), la composante agricole du GSGDA, qui s’étale sur le moyen terme (2011-2015).
Le Ghana est le 2ème producteur mondial de cacao après la Côte
d’Ivoire. Cette culture est le 2ème produit d’exportation du pays
après l’or avec des recettes de 1,9 milliard de $ en 2011 et 720 000
personnes employées. Elle représente 7 % du PIB national. Parmi les grands
projets du pays, la construction d’une usine d’engrais est en cours pour un
coût de 1,1 milliard de $ et une livraison pour 2016.
A côté de l’agriculture, le secteur minier occupe
une place importante dans la stratégie de croissance accélérée des autorités
ghanéennes. Selon les statistiques de l’Institut d'études géologiques des
États-Unis, United States Geological
Survey (USGS), le Ghana a produit 100 tonnes d’or en 2010 se classant au 8ème
rang mondial et à la 2ème place sur le continent après l’Afrique du
Sud. Avec 1 400 tonnes d’or, il détient 2,7% des réserves mondiales du
métal précieux (11ème place mondiale) contre 11,7% pour la
« nation arc-en-ciel » dont le sous-sol regorgerait de 6 000
tonnes d’or, le 2ème plus grand potentiel au monde après
l’Australie. Selon les prévisions du FMI, la manne pétrolière devrait générer
20 milliards de $ au Ghana d’ici 2030. Elle représente aujourd’hui 6 à 7% des
revenus du pays.
Graphique 7: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) du Ghana par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Les perspectives restent
positives. La dynamique de l’économie ghanéenne devrait se poursuivre, mais à
un rythme moins soutenu que le pic de 13,7% observé en 2011. Le taux de croissance attendu en 2012 et 2013 est de 8,3 % et 7,7
%. Les observateurs n’hésitent pas à reconnaître à cet ancien royaume Ashanti
une figure d’exception au « miracle modeste ».
Déjà au
milieu du siècle dernier, le leader panafricaniste, Dr Kwame Nkrumah, père de
l’indépendance du Ghana, mettait en garde contre l’émiettement du continent:
« Divisés nous sommes faibles. Unie,
l’Afrique pourrait devenir, et pour de bon, une des plus grandes forces de ce
monde. Je suis profondément et sincèrement persuadé qu’avec notre sagesse
ancestrale et notre dignité, notre respect inné pour la vie humaine, l’intense
humanité qui est notre héritage, la race Africaine, unie sous un gouvernement
fédéral, émergera non pas comme un énième bloc prompt à étaler sa richesse et
sa force, mais comme une Grande Force dont la Grandeur est indestructible parce
qu’elle est bâtie non pas sur la terreur, l’envie et la suspicion, ni gagnée
aux dépends des autres, mais basée sur l’espoir, la confiance, l’amitié, et
dirigée pour le bien de toute l’Humanité. » Il ajouta : « Je suis africain, non pas parce que je suis
né en Afrique, mais parce que l'Afrique est née en moi. »
ALGERIE
D’après les données 2011 de l’Agence américaine d'Information sur
l'Energie, Energy Information
Administration (EIA), l’Algérie se classe au 3ème rang des pays
producteurs de pétrole en Afrique avec 1,54 millions de barils par jour
derrière le Nigéria et l’Angola. Ses réserves, les 4ème du
continent, sont estimées à 12,2 milliards de barils. Quant au gaz naturel, le
potentiel algérien est estimé à 159 trillions de pieds cubes. Le pays, classé
au 9ème rang mondial des producteurs de gaz, a réalisé 78 milliards
de mètres cubes en 2011, soit plus de la moitié de la production africaine de
gaz. Il assure 9 % des approvisionnements de l’Union européenne en gaz, et
spécifiquement 12 % des importations françaises de ce combustible. Selon une
publication datée de novembre 2012 sur la « Situation économique de
l’Algérie à fin 2012 et perspectives 2013 », les analystes des services
économiques français notent : « Au 30 juin 2012, les réserves de change atteignaient 186 milliards de $,
soit l’équivalent de plus de 3 années d’importations. Elles devraient approcher
les 200 milliards de $ d’ici la fin de l’année et font d’ores et déjà de
l’Algérie le pays le mieux doté du monde arabe en la matière (après l’Arabie
Saoudite). Fortes de cette aisance financière, les autorités algériennes
poursuivent leur politique de désendettement avec une dette extérieure brute
ramenée à 4,8 milliards de $ en 2012 et qui ne représentera que 2,2% du PIB. »
Depuis
les Assemblées générales annuelles du FMI et de la Banque Mondiale, tenues à
Tokyo du 12 au 14 octobre 2012, l’Algérie est devenu officiellement un
créancier net du FMI à travers un prêt de 5 milliards de $ accordé à
l’institution financière.
La
puissance de feu de l’économie algérienne repose sur les hydrocarbures dont les
recettes constituent 98% des exportations du pays, 45% du PIB et plus des deux
tiers des recettes budgétaires. L’entreprise publique, SONATRACH, est l’épine
dorsale de cette activité. De loin la plus grande entreprise d’Afrique, la
Société Nationale pour la Recherche, la Production, le Transport, la
Transformation, et la Commercialisation des Hydrocarbures (SONATRACH) est la 12ème
compagnie pétrolière dans le monde (ce marché est toujours dominé par Shell dont le chiffre
d'affaires dépasse les 484 milliards de $ en 2011). Elle est également le 4ème exportateur
mondial de GNL (Gaz Naturel Liquéfié), le 3ème exportateur mondial de GPL (gaz de
pétrole liquéfié) et le 5ème exportateur de Gaz Naturel. D’après le
rapport annuel 2011 de la SONATRACH, la compagnie a commercialisé en 2011 un volume
total d’hydrocarbures de près de 148 Millions de TEP (tonne d’équivalent
pétrole) dont 111 millions livrées au marché international pour un chiffre
d’affaires à l’exportation de l’ordre de 72 Milliards de $, en hausse de 26,6%
par rapport à celui de 2010. Elle emploie un effectif permanent de 51 521
agents à fin 2011 et génère 30% du PNB de l’Algérie. Selon une étude réalisée par Evaluate
Energy, la SONATRACH sera en 2020 le 2ème groupe producteur de GNL dans le
monde avec une production de 30 millions de tonnes par an, soit presque 10
millions de tonnes de plus qu’en 2010. Elle viendra donc après l’actuel leader
mondial Qatar Petroleum (avec plus de 50 millions de tonnes attendues) et avant
Royal Dutch Shell (23 millions de tonnes prévues).
L’un des projets phares de l’intégration
africaine qui mobilise l’Algérie est le projet gazoduc Trans-Saharan Gas
Pipeline (TSGP), initié en 2002 et qui doit relier le Golfe de Guinée à la
Méditerranée. Le « tuyau pharaonique » devrait partir du terminal de
Warri au Nigeria, traverser le Niger, puis le Sahara algérien jusqu’à Hassi
R’mel au sud-est, avant d’aboutir au terminal d’arrivée de Beni Saf (ouest) ou
d’El Kala (est), sur la côte algérienne. Il aurait une longueur de 4 128 km,
dont 1 037 en territoire nigérian, 841 au Niger et 2 310 en Algérie. Sa
capacité serait de 30 milliards de mètres cubes, dont 3 milliards pour les
centres de collecte de gaz. Selon les dernières estimations, le projet dont la
livraison initiale était prévue pour 2015, coûtera 13 milliards de dollars. A
terme, il devrait permettre au gaz des trois pays d’atteindre les côtes
européennes et d’être plus compétitif sur ce marché. Le projet qui avait accusé
quelques retards a été relancé en février 2013 par la partie nigériane qui a
annoncé la pose imminente du gazoduc de Calabr (sud-ouest du Nigeria) à Kano
(au nord du pays).
Graphique 8: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) de l’Algérie par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Les perspectives économiques de
l’Algérie bien que positives restent en retrait par rapport à la moyenne
observée sur le continent africain. Elles pourraient être en amélioration pour
2012 et 2013. Selon les experts de la BAD, l’Algérie a initié un programme
d’investissements publics quinquennal (2010-14) avec une enveloppe financière
de 286 milliards de $, dont environ 40% consacrée au développement humain.
Le rapport 2011 du Business
Monitor International (BMI) table sur des prévisions de production (horizon
2020) en Algérie de 2,4 millions de barils de pétrole par jour et de 140
milliards de mètres cubes de gaz. Certains experts estiment que la moitié du
domaine minier algérien, d’une superficie de plus de 1,5 million de km², est
encore inexplorée et que le nombre de puits forés par 10 000 km² est de 9,
alors que la moyenne mondiale est de 100 puits pour 10 000 km².
NAMIBIE
«
L'éléphant naît avec ses chaussures. » dit un adage populaire namibien. Le pays
abrite le désert du Namib, vaste de
80 900 km² et considéré par les spécialistes comme le plus vieux désert du
monde (avec une datation d’au moins 55 millions d’années). La Namibie est un
pays stable, respectueux des libertés individuelles et de la bonne gouvernance.
Elle fait figure de « force tranquille » en Afrique Australe. Les
experts de la BAD notent que le pays met en œuvre un programme d’intervention
ciblé sur trois ans et axé sur l’emploi et la croissance économique : le
TIPEEG (Targeted Intervention Programme for Employment and Economic Growth).
D’un coût total de 14,7 milliards de dollars namibiens (NAD), ce programme a
pour objectif de créer 104 000 emplois. Toute chose qui a permis au pays de
maintenir un bon niveau de revenu par habitant (7 600 dollars en 2011), le
5ème le plus élevé d’Afrique et le 3ème du MANGANESE
après l’Afrique du Sud et l’Algérie. Durant la période 2003-2011, le taux de
progression moyen du PIB de la Namibie a été de 5%, presque au même niveau que
la croissance économique en Afrique (5,2%) et bien au-dessus de la moyenne
observée en Afrique Australe (4,6%). L’économie namibienne a évolué dans des
proportions élevées mais en dents de scie avec des pics de croissance de 12,%
en 2004, 7,1% en 2006 et 6,6% en 2010.
La Namibie a un sous-sol extrêmement riche :
uranium, cuivre, argent, diamants, plomb, zinc, ... Il est le 4ème pays
africain exportateur de minerais. Les revenus du pays
sont tirés principalement par l’industrie d’extraction du diamant (on-shore et
off-shore) qui procure 40 % des recettes d’exportation et qui représente
environ 10% de la richesse nationale. La Namibie est aussi le 4ème producteur mondial d'uranium.
Graphique 9: Comparaison de l’évolution du taux de croissance du
PIB réel (%) de la Namibie par rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Après un recul à 3,8% en 2011, les perspectives de
l’économie namibienne sont favorables avec une croissance relevée autour de 4%
pour les années 2012-2013, presqu’au même niveau que le taux moyen du PIB dans
le monde mais bien en retrait par rapport à la moyenne africaine.
Un proverbe namibien dit de l'univers qu’il est « un
livre dont on a lu que la première page, quand on a vu que son pays. »
Alors, poursuivons la découverte des pays du MANGANESE d’Afrique avec la 7ème lettre « E »:
Egypte.
EGYPTE
A l’image de ses Pharaons,
l’Egypte surplombe l’Afrique du Nord de par sa taille démographique et son
poids économique: 82 millions d’habitants (troisième pays le plus peuplé
d’Afrique après le Nigeria et l'Éthiopie), avec un PIB (PPA) de 519 milliards
de $ en 2011 (en concurrence directe avec le géant sud-africain) et un revenu
de 6 293 de $ par habitant, deux fois plus important que la moyenne
africaine. La capitale égyptienne, Le Caire, avec une population de 16,4
millions d'habitants en 2012 est la plus grande ville d'Afrique, devant Lagos
(14,9 millions d’habitants) et la 15ème plus grande mégapole du
monde (selon le site PopulationData.net).
Durant la dernière décennie, le
taux moyen de progression de l’économie égyptienne a été de 4,9%, supérieur de
0,5 point à la moyenne de l’Afrique du Nord et inférieur au 5,2% de moyenne
observée sur le continent.
Graphique
10 : Comparaison
de l’évolution du taux de croissance du PIB réel (%) de l’Egypte par rapport à
celle de l’Afrique et du Monde
La persistance des troubles
socio-politiques depuis février 2011 entame la vigueur de l’économie
égyptienne. Leur impact sur la croissance a été un décrochage en 2011 (1,8%)
contre 5,1% un an plus tôt. Pour les experts de la BAD, la prévision de
croissance sera presque nulle en 2012 (0,8%) avant d’amorcer une reprise à 2,8%
en 2013.
AFRIQUE DU SUD
L’Afrique du Sud est incontestablement le géant du
continent africain. C’est le pays de trois nobélistes, Nelson Rolihlahla
Mandela, Frederik Willem de Klerk et Desmond Mpilo Tutu, trois figures
emblématiques de la paix dans le monde qui ont réussi à arracher leur peuple du
joug de l’apartheid. Aujourd’hui, les 50 millions de sud-africains, blancs,
noirs, rouges,… ont créé la « nation arc-en-ciel » et vivent ensemble
leur belle aventure de porte étendard d’un continent conquérant et riche de sa
diversité. C’est l’exemple type qu’en Afrique après la tempête, il y a le beau
temps. Le pays a été « survitaminé » par la providence divine. Il est
le premier pays extracteur d'or et de platine et l'un des premiers pour le
diamant et l'argent. Il possède de larges gisements de vanadium, de chrome (65
% des réserves mondiales), de manganèse, de fluorine, de fer, d'uranium, de
zinc, d'antimoine, de cuivre, de charbon, et de tungstène.
Les performances exceptionnelles de l’économie
sud-africaine lui ont valu d’être le cinquième pilier de l’émergence économique
mondiale (BRICS) en 2011. Le pays concentre les meilleures performances et les
meilleures réalisations financières et bancaires du continent. Il regroupe,
selon le classement annuel de Jeune
Afrique, les cinq plus grandes banques du continent (Standard Bank Group,
Standard Bank of South Africa, ABSA Group, Nedbank Group, Firstrand Banking
Group) dont le total des actifs s’élève à 536 milliards de $ soit trois fois et
demi la richesse cumulée des 15 pays de la Zone Franc (120 milliards d’euro de
PIB, Banque de France). Le revenu
(PNB) dégagé par ces cinq mastodontes en une seule année (17 milliards de $ en
2011) équivaut au PIB empilé de quatre pays de l’espace UEMOA, Bénin,
Guinée-Bissau, Niger et Togo (8 002 milliards FCFA en 2011, Banque de France).
La forte intégration de l’Afrique du Sud à
l’économie de marché se déteint sur sa courbe de croissance qui s’inscrit sur
le trend mondial. En net retrait de la moyenne de la croissance économique sur
le continent (5,2%). Sur la période 2003-2011, elle a enregistré un taux de
croissance moyen de 3,6% contre 4,6% pour la moyenne des pays de l’Afrique
Australe.
L’investissement direct étranger (IDE) en Afrique
du Sud s’est élevé à 4,5 milliards de $ en 2011 contre 1,2 milliard l’année
précédente.
Graphique
11: Comparaison
de l’évolution du taux de croissance du PIB réel (%) de l’Afrique du Sud par
rapport à celle de l’Afrique et du Monde
Les
perspectives économiques de l’Afrique du Sud sont positives mais restent en-dessous
de la moyenne observée sur le continent et dans le monde. Pour autant, la
« nation arc-en-ciel » ne manque pas d’ambition. Selon le Rapport de
la BAD sur les « Perspectives économiques en Afrique », la stratégie
globale du gouvernement sud-africain contre le chômage figure dans le New
Growth Path (NGP) avec pour objectif la création de 5 millions d’emplois en
dix ans. Le tout sous-tendu par la vision prospective 2030. Pour son
financement, l’Afrique du Sud fonde beaucoup d’espoir sur la future banque du
groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), surnommée
«South-South Bank», dont elle espère accueillir le siège social. Les experts de
Standard Bank évaluent le capital initial de cette banque à 50 milliards de $. Selon
ses promoteurs, elle est destinée à financer les grands projets et les
infrastructures des pays en développement tout en réduisant l’influence des
institutions de Bretton Woods sur ces pays. Ce point sera approfondi lors du
5ème Sommet des BRICS qui se tiendra les 26 et 27 mars 2013 à Durban, en
Afrique du Sud. Il est placé sous le thème "BRICS et Afrique: Partenariat pour le développement, l'intégration et
l'industrialisation".
Le
Prix Nobel de la paix 1984, Desmond Mpilo Tutu, nous rappelle les ingrédients
de la construction de la « nation arc-en-ciel » : « L’une des leçons que nous avons apprises en
Afrique du Sud, c’est que la population doit avoir confiance dans le processus
de réconciliation et se l’approprier. Les aspects négligés aujourd’hui seront
des défis demain. » Et, il ajoute : « Faites le bien, par petits bouts, là où vous êtes ; car ce sont tous
ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde. »
Mgr
Tutu, votre appel de sagesse raisonnera dans les entrailles du continent et
inspirera, à coup sûr, l’élite dirigeante africaine.
ETHIOPIE
Dans
une Afrique de l’Est qui enregistre la plus forte croissance économique des
sous-ensembles régionaux (6,9% en moyenne durant la période 2003-2011),
l’Ethiopie fait figure d’étalon avec une croissance exceptionnelle, à deux
chiffres, presque ininterrompue depuis 2004. Le génie est sorti de la
bouteille, pourrait-on dire en qualifiant le « miracle » éthiopien.
L’Ethiopie
est un concentré de symboles pour l’Afrique en ce sens qu’il résume bien son
continent. Son passé. Les
spécialistes attribuent à l’ancien royaume Abyssin, souverain depuis
l’Antiquité, d’être l’une des plus vieilles civilisations au monde. En raison
de la découverte de Lucy en 1974 et des plus anciens spécimens d'Homo sapiens
en 2003. Son présent. La capitale de l’Ethiopie, Addis-Abeba, abrite le siège
de deux grandes organisations continentales, politique (Union Africaine) et
économique (Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique). Et l’avenir
du continent. Le pays affiche des niveaux de croissance économiques records sur
la dernière décennie avec des perspectives plus que prometteuses de nation
émergente.
Graphique
12: Comparaison
de l’évolution du taux de croissance du PIB réel (%) de l’Ethiopie par rapport
à celle de l’Afrique et du Monde
Les perspectives de l’économie
éthiopienne restent très bonnes en dépit d’une contraction du taux de
croissance réel, en-dessous de la barre des 10% observée en moyenne durant la
dernière décennie. Selon les projections de la BAD, la croissance économique
devrait se situer entre 7,0%-7,6% pour 2012 et 2013. A sa base, le plan
quinquennal de transformation et de croissance (Growth and Transformation Plan- GTP) qui vise à favoriser une
croissance forte et soutenue.
L’histoire de l’humanité retiendra
de l’Ethiopie qu’il a réussi une véritable révolution copernicienne de son
économie. Les historiens se souviendront de la ténacité et de l’endurance des
éthiopiens à vaincre l’image peu glorieuse de leur pays en proie à la plus
terrible commotion de son histoire en 1984, avec son lot de famine et de morts.
Ces qualités de guerrier, les éthiopiens l’ont déjà prouvé sur les pistes
d’athlétisme du monde entier avec, entre autres prodigieux sportifs, un
exceptionnel Haile Gebreselassie, auteur de 27 records mondiaux, un prodigieux Kenenisa
Bekele, champion du monde de cross-country et double champion olympique à Pékin
et une majestueuse, Tirunesh Dibaba, double championne olympique à Pékin et détentrice
du record du 5 000 mètres. Leur pays le démontre depuis près d’une décennie sur
le chemin de la croissance et du développement.
CONCLUSION
Les
récentes péripéties socio-politico-sécuritaires sur le continent ont tartiné
sur les interprétations de ses « parties molles ». Dans ces
conditions, il n’est pas certain que les défenses immunitaires des économies
africaines, renforcées pour les unes et amoindries pour les autres, empêcheront
la poussée de fièvre dans les cités africaines de dégénérer en accès pernicieux.
A moins que les populations africaines, de Sidi Bouzid en Tunisie à De Doorns
en Afrique du Sud en passant par Bamako au Mali et Kismaayo en Somalie, ne
s’astreignent elles-mêmes à quelques indispensables compromis en évitant toute
surenchère. Ainsi, le politique africain enfourchera la raison et la justice au
nom de la défense des droits fondamentaux de leurs peuples. Ainsi, l’Afrique
pourrait répondre à l’appel de l’histoire en étant au rendez-vous du prochain
quart de siècle.
Dans
une anecdote juive des temps modernes, empruntée au talentueux journaliste
malien Gaoussou Drabo, un suppliant se tenant devant le mur des Lamentations et
se balançant d’avant en arrière, répétait en litanie : « Seigneur, faites que je gagne au Loto,
Seigneur… » A la fin, impatienté, Dieu lui gronda à l’oreille :
« Mais, au moins, joue ! ».
Face à l’ampleur des enjeux qui se profilent à l’horizon 2030, l’Afrique
également est obligée de jouer pour gagner le défi du décollage. Et de préférer
au « wait and see » le
« go and see ». L’Afrique,
cette vieille dame au silence écouté, le mérite : son histoire le
justifie, son présent l’exige et son avenir l’autorise.
A
tous, rappelons cette interpellation de Nelson Mandela : « Une
vision qui ne s’accompagne pas d’action n’est qu’un rêve ; une action qui ne
découle pas d’une vision, c’est du temps perdu ; une vision suivie d’action
peut changer le monde. » La voie est toute tracée pour un Afrique
émergente en 2030. Quel en sera donc le chemin ? La sagesse africaine nous
enseigne de ne pas compter les poussins avant que la poule n’ait pondu les
œufs. See and say !
Cheickna Bounajim Cissé
(Publié dans le journal de Les Afriques n° 237 du 28 mars 2013)
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