Qu’est-ce qui a donc pu motiver la France à intervenir en 2013, de façon énergique et impérative au Mali, et à y rester ? Décryptage et analyse.
« J’ai
pris une décision grave le 10 janvier [2013] d’engager les soldats
français avec les soldats maliens. C’était l’appel que m’avait lancé le
président Traoré. C’était le devoir de la France qui agissait au nom
de la communauté internationale avec le soutien des pays européens dans le
cadre des Nations unies. Oui, nous devions être là parce que ce qu’il
était important de combattre, c’était le terrorisme. Le terrorisme ici au Mali,
le terrorisme en Afrique de l’Ouest, le terrorisme partout. Agissant ainsi,
la France était à la hauteur de son histoire, de la République,
des droits de l’Homme et donc de la démocratie.[1]»
Et le
président Hollande de conclure son émouvant discours par une phrase qui restera
célèbre :
« Je
veux ici vous dire que je viens de vivre la journée la plus importante de
ma vie politique. »
Quand
« Papa Hollande » – surnom affectueusement donné par
certains Maliens – faisait cette œillade affective à ses interlocuteurs
du jour, il était certainement sincère – comment d’ailleurs en
douter ? Mais ses intentions interrogent quand il disait un peu
plus tôt à l’intention de ceux qui seraient tentés de voir autre
chose derrière la main généreuse et humaniste de son pays :
« La
France est à vos côtés, non pas pour servir je ne sais quel intérêt, nous
n’en avons aucun, non pas pour protéger telle ou telle faction, ou pour tel ou
tel parti du Mali… Non, nous sommes à vos côtés pour le Mali tout
entier et pour l’Afrique de l’Ouest. Nous nous battons ici pour que le Mali
vive en paix et en démocratie. […] Nous nous battons
en fraternité, Maliens, Français, Africains parce que moi je n’oublie
pas que lorsque la France a été elle-même attaquée, lorsqu’elle cherchait
des soutiens, des alliés, lorsqu’elle était menacée pour son unité
territoriale, qui est venu alors ? C’est l’Afrique, c’est le Mali.
Merci, merci au Mali. Nous payons aujourd’hui notre dette à votre
égard. »
Au-delà
de la clameur et de la ferveur populaires qui ont accueilli ces mots, le
discours présidentiel prit là un relent purement politique qui ne peut
s’affranchir de l’analyse politique, géopolitique et géostratégique.
Quelles étaient
les raisons réelles – au-delà du discours officiel – de l’intervention
militaire de la France au Mali ?
Pour répondre à l’appel de détresse d’un « pays
ami » en proie à la crise la plus importante de son histoire
contemporaine ?
Peut-être, mais
pas seulement ! Il est difficile de faire l’impasse sur les motivations
mêlées de la France à intervenir au Mali. Pour
ceux qui en douteraient et qui s’évertueraient à promouvoir une posture
angélique de la diplomatie internationale, ils seront ramenés à un état plus
lucide à la lecture du rapport no 483 du Sénat français du
3 juin 2015. Le document fait référence au Traité de coopération en
matière de défense entre le Mali et la France signé le
16 juillet 2014 à Bamako, « dans des délais très courts »
(pour reprendre les propres termes du rapport). Versé dans le domaine public[2], ce rapport dévoile une
étude d’impact au contenu aussi surprenant que déroutant, dont voici un
court extrait : « Le Traité [avec le Mali] pourrait offrir des
débouchés aux entreprises françaises dans les domaines de l’armement et de
l’équipement des forces de sécurité. Il inscrit dans la durée l’influence
militaire française et donne aux forces locales des méthodes de travail et
d’équipement favorables, sur le long terme, à ces exportations […][3] »
D’ailleurs,
faut-il rappeler que la France, 3e force nucléaire
au monde derrière la Russie et les États-Unis[4], est aussi le 3e
plus gros vendeur d’armes de la planète ? Selon le rapport annuel de
l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (SIPRI)[5], sa part de marché
est passée de 5,8 % à 6,7 % grâce à l’augmentation de 27 % de
ses ventes sur la période 2013-2017 comparée au quinquennat précédent
(2008-2012). Son plus gros client est… africain. Il s’agit en l’occurrence
de l’Égypte. Plus du tiers (37 %) des commandes d’équipements
militaires du Caire ont été passées à la France en 2017. D’après une
information relayée par le site Slate.fr[6], le secteur français de
l’armement emploie 160 000 personnes, avec en perspective
40 000 embauches supplémentaires d’ici à 2020. Dans ce domaine,
la politique française se résume au triptyque suivant :
« équiper les forces armées, soutenir les industriels, favoriser les
exportations[7] ».
Il faut donc toujours trouver des débouchés tout en préservant les clients
fidèles, à coups de soutien, d’intimidation et même de menace.
Selon
les dernières statistiques[8] du SIPRI (Stockholm International Peace Research
Institute ou Institut international de recherche sur la paix de Stockholm),
le total des dépenses militaires dans le monde a atteint
1 739 milliards de dollars en 2017, soit 2,2 % du PIB
mondial, et plus que la totalité de la richesse cumulée de tous les pays
africains (1 600 milliards de dollars en 2017[9]). Dans ce marché
ultra-sensible et très concurrentiel de l’armement que se disputent les
« puissances de feu » de ce monde, la France occupe une place
centrale tant comme acheteur (6e dans le monde en 2017)[10] que vendeur (3e rang
mondial)[11].
À la guerre comme à la guerre, il n’y a pas de place ni pour l’affect ni pour
l’infect. Seul le prospect mérite respect. L’intellect est suspect et
circonspect.
Pour arrêter l’avancée des groupes terroristes sur la
capitale malienne ?
Certainement !
Si les forces obscures amenées par les groupes séparatistes s’étaient emparées
du pouvoir central à Bamako, le risque de l’installation d’un califat
islamique au cœur de l’Afrique de l’Ouest était réel. Pour beaucoup
d’observateurs, sans l’intervention robuste et déterminée de la France, le Mali
allait devenir un « foyer de terrorisme international[12] », avec à la clé la
menace d’un embrasement généralisé de la bande sahélo-saharienne et même
au-delà.
Il s’agissait,
selon le Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, de « stopper la
menace terroriste ». Pour Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense de l’époque,
la menace en jeu était « la mise en place d’un Etat terroriste à portée de
l’Europe et de la France, dans les mains de groupes proche d’Al Qaïda au
Maghreb islamique (AQMI)[13] ». Dans un entretien accordé au journal Le Monde en janvier 2013, André Bourgeot, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), livrait une analyse similaire de la situation : « Il y a eu une descente des groupes djihadistes sur le sud dont l’objectif était la conquête de la ville Sévaré qui se trouve au sud de la ligne de front. Or à Sévaré, il y a un aéroport international. Si Sévaré tombait entre les mains des djihadistes, il y aurait eu impossibilité pour les militaires maliens et éventuellement les militaires de la CEDEAO de débarquer à Sévaré pour reconquérir le nord. Sévaré prise, on pouvait penser que Bamako aurait aussi été prise par les groupes armés djihadistes. Si tel avait été le cas, dans ces conditions, le Mali basculait sur un État de type salafiste. Et les conséquences auraient été extrêmement graves.[14] »
Pour assurer la sécurité et l’intégrité
territoriale du Mali ?
Pas
uniquement ! Il faut une tonne de mauvaise foi pour ne pas se rendre
compte que six ans après l’intervention française, une bonne partie du
territoire malien est toujours inaccessible[15] à l’administration
centrale et à l’armée nationale ; que la région de Kidal est toujours le
« bastion »[16] des ex-groupes
rebelles ; que la situation sécuritaire se dégrade[17] et se propage au centre du pays avec à la clé… des affrontements réguliers et meurtriers entre
communautés ethniques des mêmes localités.
Pour préserver les intérêts économiques de la France au Mali ?
Pas si
évident ! Selon des informations concordantes[18], au démarrage de
l’opération Serval, le Mali n’était qu’au 165e rang
mondial dans le classement des partenaires économiques de la France.
Même si les entreprises françaises ne sont pas implantées au Mali pour inaugurer les chrysanthèmes, leur poids économique est relativement insignifiant par rapport à la taille de leur pays d’origine. Et la tendance est à la baisse. Comme illustration, prenons le secteur bancaire. À fin 2016, la banque BNP Paribas a réalisé un bénéfice net (part du Groupe) de 7,7 milliards d’euros, soit plus de deux fois et demi le budget d’État du Mali à la même date (environ 3 milliards d’euros). Avec des actifs de 132 milliards de FCFA (soit 0,2 milliard d’euros) en 2016, la filiale malienne du mastodonte français (BICIM) ne représentait que 0,009 % du total bilan de son groupe d’appartenance (2 077 milliards d’euros).
En mai 2019, le
groupe à la « courbe d’envol » a annoncé l’ouverture d’une « réflexion
stratégique » en vue de céder sa participation dans le capital de cinq de ses
filiales, implantées au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, en Tunisie et au
Gabon. Ce retrait progressif de la France de certains marchés bancaires africains
est visible depuis plusieurs années. Dans la zone UMOA, la part de marché des
banques françaises a été divisée par deux entre 2004 et 2016, passant de 29% à
13%. En Afrique centrale (CEMAC), les banques tricolores ont considérablement
réduit la voilure. À fin 2014, elles possédaient 16 % des actifs de
ce marché[19],
alors que dix ans auparavant elles en contrôlaient pratiquement la moitié
(47 %).
Pour protéger les intérêts stratégiques de la
France dans la bande
sahélo-saharienne ?
Absolument !
En
intervenant le 15 janvier 2013 pour stopper l’avancée des groupes
terroristes vers le Sud du Mali, et ainsi endiguer la métastase nébuleuse,
la France protège aussi ses intérêts stratégiques dans la région. Et ceci
n’est guère surprenant. D’après la loi française de programmation militaire (2014-2019),
« l’intervention extérieure a pour objectif d’assurer, par la projection
de nos capacités militaires à distance du territoire national, la
protection de nos ressortissants à l’étranger et la défense de
nos intérêts stratégiques et de sécurité, comme ceux de nos
partenaires et alliés ; elle doit nous permettre d’exercer nos
responsabilités internationales.[20] » La France, à l’instar
de tout autre pays du monde, a le souci de contrôler, tout au moins de
maîtriser ses sources d'énergie. C’est ainsi que les mines
d’uranium au Niger (3e producteur au monde) sont cruciales
et stratégiques pour la France[21]. Elles fournissent au
moins le tiers du combustible utilisé dans les centrales nucléaires françaises.
Les sites de production nigériens ne sont qu’à un jet de pierre de la zone
de conflit au nord du Mali.
Pour le
chercheur français André Bourgeot, « les enjeux sur les ressources extractives,
à savoir notamment le pétrole et le gaz sur le site de Taoudenni qui se trouve
à cheval sur trois pays, Mauritanie, Mali et Algérie. Ensuite, l’uranium
puisqu’il en a été découvert dans l’Adar des Iforas. Mais ces trois ressources
extractives ne sont pas encore en état d’exploitation. En revanche, le Mali est
le troisième producteur d’or sur le continent africain. Ce sont là les enjeux
géostratégiques. S’il y avait implosion du Mali par la prise du pouvoir central
par les groupes armés djihadistes, il y aurait nécessairement des conséquences
négatives sur l’ensemble des pays de la sous-région.[22] »
Pour assurer la sécurité de la France et de l’Europe et
préserver la paix mondiale ?
Sans nul
doute ! Dans un tweet récent, daté du 23 juillet 2019, le ministre de
l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian réagissait à l’attaque-suicide
devant la base militaire française de Gao, au Mali, en ces termes : « Après
l’attaque à #Gao blessant des soldats français et estoniens, j’ai exprimé à mon
homologue estonien toute ma solidarité. Notre engagement commun pour la
stabilité du #Sahel est aussi au service de la sécurité des Européens.[23] »
Pour donner de
l’épaisseur au propos du ministre français, il suffit de disposer d’une carte
du monde et d’un compas. L’évidence sautera aux yeux. L’épicentre du conflit
malien est plus proche des côtes européennes que des zones aurifères et cotonnières
du Mali. Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta résume bien le positionnement stratégique
de son pays : « Le Mali est une digue. Et si cette digue rompt,
l’Europe sera submergée. » Il précise : « Le Mali n’est qu’un
lieu de passage et d’aguerrissement pour des forces négatives qui,
en réalité, visent le Maghreb et l’Europe. Avec Barkhane, la France
ne défend pas que le Mali, elle défend ses propres valeurs, elle
se défend elle-même.[24] »
Cette
réalité est aussi partagée par les experts militaires français. En effet,
pour ceux-ci, le Mali se situe dans « l’arc de crise », identifié comme
une des « quatre zones critiques » pour la France. Dans le Livre
blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale, les autorités
françaises indiquent que « les problèmes de l’Afrique ont des incidences
directes sur [leurs] intérêts : immigration clandestine, radicalisation
religieuse en terrain musulman et développement de sectes fondamentalistes
en terrain chrétien, implantation des groupes terroristes se réclamant
d’Al-Qaida, apparition de nouvelles routes de la drogue, trafics d’armes
illicites, réseaux de prolifération, blanchiment d’argent et risques
sanitaires. » À ce titre, comme le confirme le Livre blanc de 2013,
le Sahel demeure « une zone d’intérêt prioritaire pour
la France ». La communauté française dans les pays du Sahel est
importante. Par exemple, ils sont 20 299 Français résidant au
Sénégal, 17 034 en Côte-d’Ivoire et 8 056 au Mali, enregistrés
dans les registres consulaires à fin décembre 2016.
Que
retenir en définitive ? Qu’il se nomme Hollande ou Macron, que ça soit
la France ou tout autre pays dans le monde, la mission assignée à un chef
d’État par la Constitution de son pays c’est avant tout de défendre les
intérêts nationaux, de les préserver à tout prix, quitte à compromettre ceux
des autres. L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche a levé toute
équivoque sur cet impératif national que les nations riches et développées
se plaisaient jusqu’ici à enrober au reste du monde, particulièrement aux
pays pauvres, pillés et dépouillés, sous le vocable d’« intérêts
mutuellement avantageux ». Du reste, voici ce que déclarait le
président américain dans son premier discours après sa prestation de
serment du 20 janvier 2017 : « Nous nous sommes retrouvés
aujourd’hui et nous décrétons, pour être entendus dans chaque ville, chaque
capitale étrangère et dans chaque lieu de pouvoir, qu’à compter d’aujourd’hui
une nouvelle vision prévaudra dans notre pays : ce sera l’Amérique d’abord
et seulement l’Amérique. […] Nous rechercherons l’amitié et la bonne volonté
des autres nations du monde mais nous le ferons avec l’idée que c’est le
droit de tout pays de mettre ses propres intérêts en avant.[25] » Depuis ce
prononcé, le président Trump qui n’a jamais fait mystère de sa conception
très marchande de la diplomatie, ne cesse d’émouvoir les âmes sensibles. Il
avait d’ailleurs prévenu dans son discours d’investiture : « Le temps
des paroles creuses est fini. Maintenant, c’est l’heure de l’action.[26] »
Son
homologue français Emmanuel Macron, aussi enclin au « tropisme
américain »[27],
n’en a pas fait moins pour agrémenter son discours d’investiture du 14 mai 2017.
« Rien ne me fera renoncer à défendre en tout temps et en tout lieu les
intérêts supérieurs de la France[28] », a-t-il tenu à
préciser.
Plusieurs
spécialistes et observateurs estiment que la France instrumentalise les
crises en Afrique pour justifier et renforcer sa présence militaire dans
cette région. Et pour eux, l’Afrique est un marché militaire
« porteur » pour la France. En juillet 2018, dans une tribune signée
dans le journal Le Monde, l’ancien
ambassadeur de France au Mali (2002-2006), Nicolas Normand n’y
est pas allé de main morte : « À notre avis, la situation calamiteuse
au Mali résulte en bonne partie d’une succession de faux pas de la
diplomatie française, entérinés par la communauté internationale.[29] » Dans ce pays que
le diplomate français qualifie d’« homme malade » du Sahel, « on
ne compte pas moins, aujourd’hui, de 17 groupes politico-militaires,
en dehors même de la nébuleuse djihadiste, ainsi que 4 armées dont 3
étrangères. On observe parallèlement une montée continue des attaques et
attentats terroristes depuis la signature, en 2015, de l’accord dit “de
paix” issu du processus d’Alger, la France ayant curieusement délégué
à l’Algérie, au rôle pourtant problématique dans la crise malienne, le
traitement politique de la “paix” imposée par l’intervention française “Serval”
de 2012. » Sans commentaires !
Un coût important
Cependant,
il faut être juste. Quelles que soient les motivations qui ont pu pousser
la France à intervenir au Mali et à y rester, les Maliens
doivent être reconnaissants au peuple français, et cela pour plusieurs raisons,
dont au moins deux que l’on peut citer. À partir de mars 2012, et même
bien avant, face à un État failli et assailli, au-dedans comme au-dehors, miné
et laminé par de fortes dissensions internes, de larges boulevards s’offraient
aux groupes irrédentistes fortement appuyés par les forces terroristes venus
du Nord pour conquérir le reste du pays. Sans l’intervention décisive
de la France, personne ne peut prédire dans quel état aurait été le Mali
d’aujourd’hui. Un autre Irak ? Un Afghanistan bis ? Une
Somalie en copie ? Un appendice du Nigéria ?
Faut-il le
rappeler, la France dépense en moyenne 1 million d’euros par jour pour financer
son opération militaire au Mali. Elle a perdu 28 de ses soldats
sur le sol malien, et des dizaines d’autres y ont été grièvement blessés. D’après
le site L’Opinion.fr, « près de
5 ans après le début de l’intervention au Mali contre les groupes
djihadistes, en janvier 2013, la France maintient environ 4 500 militaires
dans la « bande sahélo-saharienne » au sein des opérations Barkhane et Sabre,
cette dernière
relevant des forces spéciales.[30] »
Lors
d’une audition parlementaire en fin février 2018 devant la Commission de
la défense de l’Assemblée nationale, le chef d’état-major des armées
françaises, le général François Lecointre, déclarait :
« L’évolution de la situation au Mali n’est guère satisfaisante et
nous n’en partirons pas demain, sans qu’il s’agisse pour autant d’un
enlisement. » Et, se voulant plus précis, il ajoutait une phrase qui fit
sursauter plus d’un Malien : « Je ne pense pas qu’il soit
possible de régler le problème au Mali en moins de 10 à 15 ans, si
tant est que nous le puissions. » Et pour se justifier devant les élus
français, il s’empressait d’ajouter : « Cette durée fut celle de
notre engagement dans les Balkans, en Côte-d’Ivoire ou en Afghanistan.[31] »
Quatre ans
plus tôt (le 2 février 2013), presque jour pour jour, voici ce que
déclara François Hollande lors d’une visite historique
au Mali. « Je vous l’avoue aussi, parce que c’est le
respect que je vous dois, la France n’a pas vocation à rester ici au Mali,
parce que ce sont les Maliens eux-mêmes, les Africains qui
assureront la sécurité, l’indépendance, la souveraineté. C’est ainsi que je
conçois les relations entre la France et l’Afrique. Le respect, la
démocratie, la transparence. C’est vous maintenant qui allez porter votre destin.[32] »
Entre le
discours politique et la réalité militaire, il y a plus qu’un interstice. Il y
a la realpolitik aussi béante qu'un practice.
Conclusion
Beaucoup d'Africains se seraient émus, à tort, à la lecture de cet article. Le monde est ainsi
fait. Il ne sera
jamais un refuge de bisounours et de câlinours, encore moins un
sanctuaire pour les esprits faibles et les âmes sensibles. « Chacun
dîne d’un plus petit que soi », nous rappelle bucoliquement l’humoriste Francis Blanche.
Chaque pays est
dominant ou dominé face à un autre. Une seule règle vaille : chasser ou se
faire chasser. Pour tous les autres pays aux jambes en coton, s’allier ou s’aliéner restent
les seules alternatives. Même les diplomates au langage plus doucereux que
sulfureux, s’accordent à dire que les États n’ont pas d’amis mais des intérêts
à conquérir et à défendre. Et tous les moyens sont mis en œuvre
pour y parvenir. Au XIXe siècle
déjà, le célèbre philosophe Nietzsche comparait l’État à un « monstre
froid », le plus redoutable « de tous les monstres froids »,
capable de tout pour protéger ses intérêts.
Il faut
donc se détacher de ses émotions et de ses passions pour ne pas s’installer dans
l’illusion. La sécurité du Mali relève d'abord et avant tout des Maliens. Aucun pays au monde, fût-il humaniste et africaniste, généreux et chaleureux, ne viendra sacrifier ses fils à la place des Maliens. Les militaires français n’ont
pas posé leurs godillots au Mali, dans l’immensité de l’Adrar des Ifoghas, par
quête d’exotisme ou par conquête de romantisme. Ils sont là pour
défendre la France, ses intérêts et ses idéaux.
Pour en
avoir le cœur net, parcourons ensemble les allées de l’Assemblée nationale
française. Là, bien en évidence, trône dans la salle de la Commission de la
défense nationale et des forces armées, la célèbre préconisation du général
de Gaulle : « La défense ! C’est là, en effet, la
première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans
se détruire lui-même.[33] »
Cheickna Bounajim Cissé, l’émergentier
Économiste et essayiste, il est le Président
de la Commission « Banques & Compétitivité » du CAVIE (Centre
Africain de Veille et d’Intelligence Économique). Titulaire d’un MBA de
l’Université de Paris Dauphine et de l’IAE de Paris, il est détenteur d’un
Master professionnel Sciences Politiques et sociales – option Journalisme de
l’Institut Français de Presse (Université Panthéon-Assas), possède une Maîtrise
en gestion des entreprises de l’ENA de Bamako et est diplômé d’études
supérieures en Banque (ITB – CNAM de Paris). Il est l’auteur de l’acronyme
MANGANESE, désignant neuf pays africains émergents ou en voie de l’être. Il se
définit comme un « émergentier », un activiste de l’émergence de
l’Afrique. Il est contributeur pour plusieurs médias et auteur de plusieurs publications,
dont « Les défis du Mali nouveau » (Amazon, 2013, 269 pages), « Construire
l’émergence, un pacte pour l’avenir » (BoD, 2016, 736 pages), « FCFA : Face Cachée de la Finance Africaine » (BoD,
2019, 452 pages).
[1] En ligne
: https://ml.ambafrance.org/Discours-de-Francois-Hollande
[2] En ligne
: www.senat.fr/leg/pjl14-483.pdf
[3] En ligne
: www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl14-483-ei/pjl14-483-ei.html
[4] En
ligne : www.nouvelobs.com/en-direct/a-chaud/34287-nucleaire-france-troisieme-puissance-nucleaire-mondiale-selon.html
[5] En
ligne : www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/12/la-france-troisieme-exportateur-mondial-d-armement_5269775_3234.html
[6] En
ligne : www.slate.fr/story/149670/france-infeodee-industrie-armement
[7] En
ligne : www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-la-france-figure-dans-le-top-3-des-vendeurs-d-armes.N665539
[8] En
ligne : www.sipri.org/sites/default/files/2018-05/milex_press_release_fre_1.pdf
[9] Selon le
rapport « Shaping the future of Africa : markets and opportunities
for private investors » de la Société financière internationale
(SFI) ; en ligne : www.lejecos.com/L-Afrique-totalise-un-PIB-de-1600-milliards-de--en-2017_a13041.html
[10] En
ligne : www.lemonde.fr/international/article/2018/05/02/depenses-militaires-la-france-rattrapee-par-l-inde-les-etats-unis-toujours-en-tete_5293091_3210.html
[11] En
ligne : www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/12/la-france-troisieme-exportateur-mondial-d-armement_5269775_3234.html
[12] En
ligne : www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1288.pdf
[13] L’Obs,
Pascal Riché, « Pourquoi la France entre en guerre au Mali », 12 janvier 2013 ;
en ligne :
www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20130112.RUE2423/pourquoi-la-france-entre-en-guerre-au-mali.html
[14] Le
Monde.fr, Entretien avec André Bourgeot, chercheur au CNRS, 15 janvier 2013 ;
en ligne : www.lemonde.fr/afrique/chat/2013/01/15/pourquoi-la-france-intervient-elle-au-mali_1817236_3212.html#35hpDiR6b6pFHmgR.99
[15] Selon le
président Ibrahim Boubacar Keïta : « Le problème de la présence de
l’État sur l’ensemble du territoire se pose encore, mais les poches de
non-droit se résorbent une à une, au prix d’efforts considérables »,
Entretien avec Jeune Afrique le
20 novembre 2017 et publié le 15 décembre 2017 ; en
ligne :
www.jeuneafrique.com/mag/498791/politique/ibrahim-boubacar-keita-le-mali-est-une-digue-si-elle-rompt-leurope-sera-submergee/
[16]
Kidal : « bastion de l’ex-rébellion », « ville sous
contrôle de l’ex-rébellion » ; en ligne :
www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/22/le-premier-ministre-du-mali-attendu-a-kidal-bastion-de-l-ex-rebellion_5275012_3212.html
[17] Selon le
président Ibrahim Boubacar Keïta : « Nous faisons face à une
multiplication des attentats meurtriers par engins explosifs improvisés, posés
le long des routes, et ce presque chaque jour. C’est une guerre d’usure
avec son lot d’assassinats, d’égorgements et d’enlèvements », Entretien
avec Jeune Afrique le 20 novembre
2017 et publié le 15 décembre 2017 ; en ligne :
www.jeuneafrique.com/mag/498791/politique/ibrahim-boubacar-keita-le-mali-est-une-digue-si-elle-rompt-leurope-sera-submergee/
[18] En
ligne : http://information.tv5monde.com/afrique/mali-pourquoi-la-france-est-elle-en-premiere-ligne-3965
[19] Commission
Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC), Rapport annuel 2014 ; en
ligne : www.sgcobac.org/upload/docs/application/pdf/2016-07/rapport_annuel_cobac_2014.pdf
[20] La loi no 2013-1168
du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les
années 2014 à 2019 ; en ligne : www.senat.fr/rap/r15-794/r15-7943.html
Extrait de la synthèse du
Rapport d’enquête de la Cour des comptes sur les opérations extérieures (OPEX)
du ministère de la Défense.
[21] En
ligne :
www.lavie.fr/actualite/monde/pourquoi-la-france-est-en-guerre-au-mali-13-01-2013-34906_5.php
[22] Le
Monde.fr, Entretien avec André Bourgeot, chercheur au CNRS, 15 janvier 2013 ;
en ligne : www.lemonde.fr/afrique/chat/2013/01/15/pourquoi-la-france-intervient-elle-au-mali_1817236_3212.html#35hpDiR6b6pFHmgR.99
[23] En ligne :
www.france24.com/fr/20190724-mali-attaque-voiture-base-gao-militaires-francais-barkhane-jihadiste-blesses-civils
[24] Entretien
du président Ibrahim Boubacar Keïta avec Jeune Afrique le 20 novembre 2017 et publié le 15 décembre 2017 ;
en ligne : www.jeuneafrique.com/mag/498791/politique/ibrahim-boubacar-keita-le-mali-est-une-digue-si-elle-rompt-leurope-sera-submergee/
[25] En
ligne : www.parismatch.com/Actu/International/L-integralite-du-discours-d-investiture-de-Donald-Trump-1169698
[26] En
ligne : www.parismatch.com/Actu/International/L-integralite-du-discours-d-investiture-de-Donald-Trump-1169698
[27] Selon le
témoignage de son ancien professeur Christian Monjou du lycée Henri-IV, à
Paris : « La fascination de Macron pour les États-Unis repose sur
deux piliers : les nouvelles technologies et l’histoire, notamment le
rôle de la France dans l’indépendance américaine, et des personnages comme La Fayette
ou Rochambeau. »; https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/macron-l-americain_2001665.html
[28] En
ligne : www.elysee.fr/declarations/article/discours-d-investiture-du-president-de-la-republique/
[29] Le Monde, tribune de Nicolas Normand :
« Au Mali, le chaos résulte d’une succession de faux pas de la diplomatie
française », 26 juillet 2018 ; en ligne :
www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/26/au-mali-le-chaos-resulte-d-une-succession-de-faux-pas-de-la-diplomatie-francaise_5336048_3232.html
[30] En
ligne : www.lopinion.fr/blog/secret-defense/france-s-apprete-a-rearticuler-l-operation-barkhane-135941
[31] En ligne : https://afrique.lalibre.be/17027/10-a-15-ans-necessaires-pour-regler-le-probleme-au-mali/
[32] En ligne
: https://ml.ambafrance.org/Discours-de-Francois-Hollande
[33] En
ligne : www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/17-18/c1718002.asp
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