LES RAISONS DE MON ENGAGEMENT
« Il faut savoir
s'oublier soi- même pour servir son peuple. »
Nelson MANDELA
La
République du Mali est un pays africain, sans littoral, situé dans la bande
sahélo-saharienne et frontalier de sept pays (Algérie, Burkina Faso, Côte
d’Ivoire, Guinée, Mauritanie, Niger, Sénégal). Indépendant depuis le 22
septembre 1960, c’est un pays de 15 millions d’habitants (dont près de la
moitié a moins de 15 ans) répartis sur une superficie vaste de
1 240 238 km² (le 8ème le plus vaste d’Afrique et le 22ème
au monde). Berceau de vieilles civilisations et héritier de grands empires
africains, son rayonnement s’est abreuvé de la richesse exceptionnelle de son
patrimoine et de la diversité culturelle de ses populations. C’est un pays
accueillant et attachant dont la tradition d’hospitalité est légendaire. C’est aussi
un pays riche de sa jeunesse, de ses terres et de ses ressources minières. Son
économie repose principalement sur l’or (3ème producteur en Afrique)
et le coton (2ème producteur africain).
Aujourd’hui,
le Mali menacé dans son existence, cherche sa voie face à ses propres contradictions.
Celles-ci ont été portées à incandescence en 2012, par la combustion d’une
double crise, une rébellion armée au nord du pays et un putsch militaire au
sud. Au regard de l’ampleur de cet « harmattan », exacerbé par un
marmitage fanatique et terroriste de premier choix, la communauté
internationale s’est mobilisée pour répondre à l’appel de détresse du peuple
malien, en proie à la partition de son territoire et à la négation de ses
valeurs républicaines.
Face
à tant de défis qui étreignent le Mali, et au moment où les autres nations
payent de leur sang et de leurs bourses pour le sauver, beaucoup d’interrogations
me viennent à l’esprit.
Comment
ne pas répondre à la demande d’espoir de son pays par une offre
d’engagement citoyen, avec la belle récompense du devoir accompli ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’il peine à sortir de la crise la plus
grave de son histoire, meurtri dans sa chair et dans son âme ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsque sa souveraineté est remise en cause,
ses fondements déracinés, sa démocratie menacée, sa sécurité ébranlée, ses
infrastructures détruites ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsque les symboles de l’Etat sont foulés aux
pieds et que le patriotisme relève plus du fantasme que de la réalité ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’après vingt-deux ans d’exercice démocratique
et avec plus d’une centaine de partis politiques, le Président de la République
ne tire sa légitimité que de la caution de seulement 10% - et tout au mieux 20%
- des maliens ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, jadis pressenti pour être le « grenier de
l’Afrique de l’Ouest » avec deux des plus grands fleuves d’Afrique, le
Niger et le Sénégal, irriguant des millions d’hectares de terres cultivables,
et que 80 ans plus tard, le Mali n’arrive pas à assurer la sécurité alimentaire
de sa population qui doublera en 2030 ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’il fait partie des six pays les
« moins avancés » du monde et est classé parmi les pays les plus
corrompus de la planète (118ème rang sur 183) ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, alors que des milliers de femmes maliennes
continuent de mourir en donnant la vie et que près du quart des enfants
maliens, auxquels s’ouvraient les promesses de la vie, meurent avant
d’atteindre l’âge de 5 ans ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’une infime minorité de maliens
soustrait, frauduleusement et régulièrement, des centaines de milliards de
francs CFA des caisses publiques alors que l’immense majorité de la population
vit avec moins de 1,25 dollar par jour ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’au moins 50 tonnes d’or sont extraites
chaque année de son sous-sol par les multinationales et que seulement 20% de
cette richesse reviennent à l’Etat malien ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, où près d’un siècle après l’implantation de la
première banque, 9 personnes sur 10 ne disposent toujours pas de compte bancaire,
et que l’économie nationale n’est financée qu’à hauteur du quart par le secteur
bancaire ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsqu’on retrouve des milliers de jeunes maliens, affamés et apeurés, dans les cales de
bateaux, dans les coffres et depuis peu sous les pare-chocs des voitures
traversant la Méditerranée, et finissant assez souvent l’aventure dans les
fonds des mers, en y laissant l’ultime soupir de leur rêve, celui d’un
mieux-être en occident ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, lorsque les Etats voisins innovent, produisent,
se modernisent, se développent et que nous, nous continuons à nager dans
les eaux glauques du sous-développement et de la pauvreté ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, à tomber dans la fatalité et à se dire que
« ce pays ne se redressera jamais » et continuer à s’agripper à un
pseudo «petit confort », en refusant d’ouvrir certaines « portes » de peur
d’avoir à faire face à la réalité et donc à ses propres responsabilités ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays, ce beau pays qui nous a donné la fierté
indicible d’appartenir à un grand peuple, un grand continent, avec même le
privilège, l’honneur et la dignité d’être malien et africain ?
Comment
ne pas s’engager pour son pays… ?
Comment
ne pas s’engager pour le Mali, pour l’Afrique, maintenant et tout de
suite ?
Face
à tant d’atouts, d’enjeux et surtout de défis, un seul choix se présentait à
moi : M’engager. M’engager pour la cause nationale, l’émergence d’un Mali
nouveau. M’engager pour un destin continental, l’éclosion d’une Afrique
nouvelle.
J’ai
donc décidé de participer au débat d’idées, à la confrontation des expériences
en apportant ma modeste contribution à travers ce livre-programme dont le but
est d’être à la hauteur des défis d’aujourd’hui et des enjeux de demain, tout
en assumant ma part d’héritage commun. Ce combat, je le veux digne, fort et
humain. Les
difficultés sont évidentes et doivent être affrontées et vaincues dans un
combat homérique. Car, comme l’écrivait Pierre CORNEILLE dans son ouvrage Le
Cid, « A vaincre sans péril, on triomphe
sans gloire ».
La
roue de l’histoire fait escale au Mali. Et pour être au rendez-vous, nous
n’allons pas inventer l’eau tiède, ni le fil à couper le beurre. Le mythe du
retard existe. Mais venir après les autres n’a pas seulement que des mécomptes.
Il recèle quelque fois des vertus. Celles de bénéficier de la courbe
d’expérience des devanciers en évitant de commettre leurs erreurs de parcours.
Et pour cela, il suffit juste de bien copier. En langage moderne, cela
s’appelle du benchmark. Et les exemples ne manquent pas. A nos portes et sous
nos yeux. Et pour constituer la boîte à outils, nous nous sommes inspirés des
meilleures pratiques à l’échelle nationale, en Afrique, et dans le reste du
monde; des initiatives qui ont fait recette.
Le
cap est fixé : 2030. C’est un échéancier relativement serré pour
l’émergence d’un pays ! On ne gagnera pas à cet horizon avec des solutions des
années 90. Cela fait 13 ans que nous avons changé de siècle et même de
millénaire. Le logiciel de développement de notre pays n’est plus adapté aux
enjeux du monde actuel, d’une Afrique en mouvement. Pire, il est en panne. Et
la crise actuelle en fait foi. Il va falloir retrousser davantage les manches,
prendre des initiatives heureuses et audacieuses, et accélérer la cadence. Et à
voir l’état de préparation de notre pays, on se demande comment allons-nous
faire pour assumer notre responsabilité face aux 30 millions de maliens et aux
2 milliards d’africains, avec plus de la moitié âgée de moins de 25 ans,
qui se profilent à l’horizon 2030 ? Quel pays voulons-nous laisser aux générations futures
? Un pays corrompu, sous-développé et divisé ? Ou un pays uni, un et
indivisible, démocratique, égalitaire, généreux, prospère avec une bonne gouvernance
et des institutions fortes, où la majorité gouverne et les minorités sont
protégées ? Les maliennes et les maliens se doivent d’être au rendez-vous.
Gagner
seul ou Vaincre ensemble ? Pour Hervé SERIEYX, « rien n’est plus ridicule que le mythe du gagneur, cet individu
mirobolant qui traverse la vie, saluant d’un sourire américain aux dents
étincelantes les successives victoires de son existence »[1]. A l’évidence, la
seconde option est la seule qui vaille pour notre peuple : la formule gagnante
pour s’assurer des lendemains plus apaisés. Mais, attention ! Travailler
ensemble ce n’est pas faire tous la même chose. Travailler ensemble ne veut pas
dire qu’il n’y aura pas d’oppositions et même de tensions, et que tout doit
être linéaire. Ensemble ne veut pas dire que si les 15 millions de maliens d’aujourd’hui
ne partent pas ensemble, d’un trait, il faut annuler la course au
développement. En d’autres termes, il ne faut pas attendre que tout le monde
soit d’accord pour démarrer. Dans ce cas, la locomotive ne sortira jamais de la
gare. On ne peut pas continuer à enseigner la natation sans jamais toucher à
l’eau. Ensemble veut dire tous ensemble, sans laisser aucun malien, aucune
partie de notre pays sur le carreau, à la merci de la pauvreté et du
sous-développement. Les actions peuvent être plurielles – c’est même
souhaitable – mais elles doivent être cohérentes car l’objectif est
unique : assurer l’émergence économique du Mali et la prospérité des maliennes
et des maliens. Et, au-delà de l’Afrique. C’est une aventure commune qui
donnera naissance à une œuvre collective.
La
situation est, certes, complexe et difficile. Et en même temps, elle est porteuse
de changements. Les signes d’espérance sont plus forts que les contraintes de
parcours. Mais, la solution ne fonctionnera pas à l’envie. Il ne suffira pas
d’avoir bien parlé, bien écrit et bien rapporté. Il faut jouer collectif et
libérer les énergies. Il faut de l’action, réfléchie et utile, à partir des dynamiques nouvelles
et des alternatives crédibles pour un développement accéléré, durable et équilibré. C’est une tâche immense
et il est aujourd’hui urgent de s’y engager. C’est une exigence nationale qui
requiert la mobilisation de tous. Ne nous embaumons pas d’illusions. Personne
ne fera le développement du Mali à la place des maliennes et des maliens. Cela
n’est plus une question de conviction. C’est une réalité existentielle. A
regarder de près la situation du pays et à remonter aussi loin dans son
histoire contemporaine, le Mali a un seul gros problème, générateur de toutes ses
indigences. Et ce mal a un nom : la Corruption. Comme conséquence de la
mauvaise gouvernance et du manque de civisme et de patriotisme. Mais, fort
heureusement, le Mali dispose d’un atout réel. Une vraie solution, à portée de
main et de bourses : l’Agriculture. Comme un effet de levier, une
autoroute de croissance pour l’ensemble des secteurs d’activités. C’est dire
que le choix n’est pas entre le changement ou le refus du changement ; le
choix pour le Mali réside entre changer, par la volonté de son peuple ou être
changé, par le pouvoir des puissances étrangères.
Toutes
les grandes questions de la nation seront abordées, y compris les sujets les
plus sensibles. Avec les mots et la vigueur qui siéent. Sans tabous et avec
modération pour ne pas légitimer les excès. C’est ma contribution à l’engagement
et à l’apaisement. L’utilisation de l’abécédaire, ai-je pensé, pour offrir plus
de pédagogie et de rythme. L’objectif clairement affiché est de faire du Mali
une puissance émergente à l’horizon 2030. Un pays de stabilité et de sérénité
qui maîtrise son changement. Le temps de la responsabilité est donc venu. Avec
lui celui du pardon et du labeur. Les ressorts du changement existent. La
Vision « Mali 2030 » que je propose, en s’inscrivant dans la durée,
transcende les urgences, les alternances et les variations politiques, et va
au-delà des agendas personnels. Elle se propose de fédérer les ambitions individuelles
en une seule et véritable cause commune, celle du Mali. Car, en vérité, ce qui est
important aujourd’hui, c’est le Mali.
Mon destin c'est ma patrie
Je suis ici chez moi
Et c'est à moi de faire la gloire de ce pays
Je le bâtirai à mon image
... Il sera le plus beau, le plus chaud
Une terre d'accueil, d'hospitalité, d'humanité
Une terre de réconciliation
Ma chère patrie
Je ferai de toi la plus enviée du monde.
Thierno
Hamed THIAM
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