L’émergentier Cheickna Bounajim Cissé, auteur de « FCFA - Face Cachée de la Finance Africaine » (BoD, 2019), analyse les enjeux et les contours de la future monnaie unique de la CEDEAO. (5e partie du dossier "Les échos de l'ECO")
(Financial Afrik a publié le dossier complet. A lire avec le lien suivant : https://www.financialafrik.com/2019/07/21/les-echos-de-leco/)
La monnaie
unique de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) était
attendue et désirée. Avec espoir et crainte. La voilà… Pourrait-on d’ailleurs en
dire : Enfin ! Une gestation bien particulière, trois voire quatre décennies
d’attente, avec pas moins de quatre fausses couches (2003, 2005, 2009, 2015).
Maintes fois annoncée, autant de fois repoussée, la future monnaie de la CEDEAO a été baptisée officiellement « ECO »
par la Conférence des chefs d’Etat et de
gouvernement tenue le 29 juin 2019 à Abuja, au Nigéria. C’est un évènement
historique pour les populations de cet espace communautaire, à qui leurs
dirigeants promettent la mise en circulation des premiers billets dès 2020.
La
CEDEAO en quelques chiffres
-
Marché de 367 millions de consommateurs (5% de la
population mondiale ; 3e « pays » du monde, après la Chine et l’Inde
et devant les États-Unis) ;
-
Superficie de 5 120 945 km² (3,4%
des terres de la planète ; 7e « pays » du monde, devant l’Inde
et derrière l’Australie) ;
-
PIB de 551 milliards de dollars (20e économie
mondiale) ;
-
Commerce extérieur de 144,4 milliards de dollars US
en 2016 (1,1% du commerce mondial). Cependant, les échanges
intra-communautaires sont très faibles. Seulement 10,6% des exportations et
7,8% des importations sont réalisées entre les pays membres de la CEDEAO ;
-
Ressources agricoles, hydrauliques et minières
exceptionnelles (parmi les plus importantes du monde).
La future Zone ECO ressemblera étrangement à sa devancière européenne, la Zone EURO. La superficie et la taille de la population sont presque identiques. Mais là s’arrête la similitude entre les deux unions monétaires. Avec un PIB de 12 635 milliards de dollars US en 2017, la Zone EURO a réalisé en seulement 16 jours l’équivalent d’une année de production de la CEDEAO. Le niveau de vie de l’Européen moyen, mesuré par le PIB par habitant (33 229 euros), est supérieur de 24 fois à celui de l’Africain moyen vivant dans l’espace CEDEAO (1 370 euros).
Convergence vs divergence
Les
dirigeants de la CEDEAO font du respect des critères de convergence un préalable
au lancement de la monnaie unique. Cet avis est partagé par beaucoup d’économistes[1]. Pourtant, pour les
experts de la Banque africaine de développement (BAD), cet argument ne résiste
pas à une analyse rigoureuse. Pour l’institution financière continentale, la
convergence « doit être vue comme un objectif permanent et non comme une
condition préalable à l’adhésion à une union monétaire ». Elle ajoute que « l’absence
de convergence économique ne doit pas être un obstacle infranchissable, même
s’il faut la rechercher dans un processus d’intégration monétaire visant la
création d’une monnaie unique. Les pays doivent donc apprendre à vivre avec la
monnaie unique tout en acceptant un niveau raisonnable de divergence entre
leurs économies. La solidarité entre les pays membres, qui passe notamment par
les transferts entre états, peut atténuer les impacts de ces divergences sans
les éliminer totalement.[2] »
Rapport de convergence macroéconomique
2018 de la CEDEAO
La CEDEAO a enregistré
une croissance de 3,0% en 2018 contre 2,3% en 2017. Elle devrait connaître une
croissance de 3,4% en 2019.
En ce qui concerne l'état
de la convergence macroéconomique en 2018, le rapport a indiqué que les performances
des États membres se sont légèrement détériorées par rapport à celles de 2017.
Quant aux performances au titre des critères primaires en 2018, on observe que
la situation s'est détériorée pour le critère du déficit budgétaire, vu que
cinq (5) pays respectent la norme, contre sept (7) en 2017. Par contre, l’on a
noté des améliorations en termes de conformité aux critères relatifs à
l'inflation et au financement du déficit budgétaire par la Banque centrale avec
un pays supplémentaire, portant respectivement à 12 et à 14 le nombre total de
pays qui respectent ces critères. La performance au titre du critère des
réserves brutes en mois d’importations est restée stable en 2018 avec quatorze
(14) pays comme en 2017.
Globalement, aucun pays
n’a respecté tous les critères de convergence en 2018 contre trois (3) en 2017.
Seuls deux (2) pays ont respecté tous les critères de convergence de premier
rang en 2018 contre quatre (4) en 2017. Cependant, onze (11) pays ont respecté
tous les critères de second rang en 2018 contre dix (10) pays en 2017.
En ce qui concerne les
performances au titre des critères secondaires en 2018, les États membres ont
obtenu des résultats améliorés en termes de stabilité du taux de change nominal
; deux (2) pays supplémentaires ont rempli les critères, ce qui porte à
quatorze (14) le nombre total de pays. S’agissant de la conformité au critère
de la dette publique, la situation est demeurée inchangée, avec douze (12) pays
respectant la norme en 2017 et 2018.
Aucun pays de la CEDEAO n’a respecté tous les critères de convergence en 2018. A moins d’un semestre de l’échéance tant attendue, tel est le constat alarmant fait par le Président du Comité technique sur le Programme de la Monnaie Unique de la CEDEAO, Dr. Moses Tule, par ailleurs Directeur de la politique monétaire de la Banque centrale du Nigeria (CBN). Dans son rapport sur la convergence macroéconomique (encadré ci-dessus) présenté devant le Comité ministériel des 17-18 juin 2019, il indique que les performances des États membres se sont même légèrement détériorées par rapport à celles de 2017. Pour y voir plus clair, le Comité a recommandé que les pays transmettent à la Commission de la CEDEAO leurs programmes pluriannuels de convergence pour la période 2020-2024, d’ici le 31 octobre 2019.
A moins de cinq petits mois de l'échéance 2020, la réalité imposera-t-elle de
nouveaux ajustements de calendrier ?
Au-delà
des aspects politiques, deux contraintes techniques essentielles peuvent se poser,
à savoir le financement du projet de la monnaie unique et le respect des critères
de convergence.
Sur le
premier point, le Comité Ministériel a déploré « le retard dans
l'exécution de certaines activités de la feuille de route en raison de
contraintes de ressources humaines et financières des institutions en charge de
leur mise en œuvre ». En clair, le financement du projet de la monnaie
unique de la CEDEAO n’est pas bouclé. Dans la coutume malienne, on a l'habitude
de charrier le jeune candidat au mariage quand il estime que toutes les
formalités sont acquises sauf le grisbi. Il lui ait alors rappelé que si ça ne
reste que ça alors les préparatifs du mariage n'ont même pas commencé.
Les économistes
de la BAD Ferdinand Bakoup et Daniel Ndoye semblent partager cette inquiétude. Ils
auraient préféré, pour ne pas « affecter la crédibilité du processus »,
la mise en œuvre de l’option du « Big-Bang ». Ce scénario consiste à
un démarrage groupé de tous les 15 pays de la CEDEAO à l’échéance de 2020, quitte
à prendre quelques largesses avec les critères de convergence[5]. Néanmoins, la BAD attire l’attention sur certains
points de vigilance : « Trois mesures critiques, qui ne sont pas à ce
jour prises en charge suffisamment, devraient être pleinement mises en œuvre
pour respecter l’échéance 2020 : (i) élaboration de la stratégie et des
procédures de la politique monétaire unique de la future union monétaire de la
CEDEAO ; (ii) élaboration d’un traité instituant l’union monétaire entre les
pays membres de la CEDEAO et sa ratification dans tous les pays membres ; et
(iii) élaboration, adoption et ratification des statuts de la future Banque
centrale de la CEDEAO dans tous les pays membres. Idéalement, ces tâches
devraient être réalisées avant 2017 pour un lancement de la monnaie unique en
2020 ».
Aussi, les
experts de la BAD tiennent à rappeler deux principes essentiels dans la
construction d’une union monétaire : le principe de l’équité et le principe de
la solidarité. Ils s’expliquent : « Le cadre de gestion doit en effet
assurer que chaque pays puisse bénéficier des réserves qu’il a permis de
constituer. Mais il doit aussi prévoir des mécanismes qui permettent aux pays
en grande difficulté d’accéder temporairement à des réserves provenant des
autres pays, dans le but d’aider non seulement les pays en question, mais d’éviter
toute répercussion sur la monnaie commune, comme l’illustre le cas actuel de la
Grèce dans la Zone euro ».
En
définitive, le Comité ministériel a peut-être raison quand il évoque « la
longue marche[7] »
vers la création de la monnaie unique de la CEDEAO. Les populations africaines
patientent, impatiemment, depuis 30 ans voire 40 ans pour avoir les premiers
billets d’ECO dans leur portefeuille. Il va falloir qu’elles fassent du temps
leur meilleur allié. L’assemblage d’éléments dissemblables demande plus que de
la patience. Il exige de la persévérance et de l’endurance. Le sage Li Er ne
disait-il pas que le voyage de mille lieues a toujours commencé par un premier
pas ?
L'émergentier.
[1] « La
convergence des économies est souvent présentée dans la littérature comme une
condition essentielle au succès de tout processus d’intégration monétaire.
L’importance de la convergence trouve sa source dans la théorie des zones
monétaires optimales de l’économiste canadien R. Mundell. Selon cette théorie,
plusieurs facteurs peuvent entraver la viabilité d’une union monétaire – une
forte asymétrie des chocs, une faible mobilité des facteurs de production au
sein de la zone et l’absence de mécanismes de transferts –, les pays membres
perdant l’usage de leur politique monétaire en tant qu’instrument d’ajustement
aux chocs » ; en ligne : www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/AEB_Vol_7_Issue_1_2016_POURQUOI_ET_QUAND_INSTAURER_UNE_MONNAIE_UNIQUE_DANS_LA_CEDEAO.pdf
[2] https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/AEB_Vol_7_Issue_1_2016_POURQUOI_ET_QUAND_INSTAURER_UNE_MONNAIE_UNIQUE_DANS_LA_CEDEAO.pdf
[3]
https://cbcisse2.blogspot.com/2019/07/monnaie-unique-de-la-cedeao-divorce-ou.html
[4]
https://cbcisse2.blogspot.com/2019/07/monnaie-unique-de-la-cedeao-nigeria.html
[5] En
d’autres termes, tous les pays membres participeraient à la monnaie unique en
2020, et ceux qui ne pourraient pas respecter les critères de convergence ex
ante pourraient le faire ex post.
[6] https://www.dw.com/fr/pas-de-billets-eco-en-circulation-dès-2020/av-49463237
[7] Réunion du Comité ministériel sur le
programme de la monnaie unique de la CEDEAO, Rapport final, Abidjan, Côte
d’Ivoire, 17-18 juin 2019.
Je suis très reconnaissant envers la société de prêt Elegant de m'aider à obtenir un prêt de 600 000 $ avec l'aide de l'agent de crédit Russ Harry, et je serai toujours reconnaissant. Ma vie a changé, mon argent a été payé, je possède maintenant une entreprise que j'ai utilisée pour subvenir aux besoins de ma famille. Je vous suis reconnaissant, M. Russ, et que Dieu vous bénisse. Vous pouvez les contacter pour votre aide financière par e-mail: Elegantloanfirm@hotmail.com pour votre aide financière.
RépondreSupprimer