http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/management/autres/221194391/prix-cout-et-benefice
Dans le milieu bancaire, à l'instar d'autres secteurs économiques, les acteurs
rivalisent d'initiative et d'ardeur pour décrocher le plus de trophées. Dans la
majorité des cas, les entreprises primées sont aussi les sponsors des
institutions productrices de distinctions. Il faut d'ailleurs rappeler que
Enron, à sa faillite, était bardée de titres prestigieux et élogieux.
Depuis quelques années, on assiste à un foisonnement sans précédent de
distinctions, trophées et prix, en tout genre, initiés et décernés par des
institutions plus ou moins connues, sur des places plus ou moins prestigieuses
et avec une profondeur plus ou moins crédible. C’est devenu un véritable fonds
de commerce qui continue à prospérer en regard de l’engouement et de l’appétence
des impétrants.
Même des entreprises, aux fondamentaux bancals, reçoivent des dizaines
d’offres de distinctions par an. Il suffit juste de feuilleter la documentation
envoyée pour se rendre compte qu’il y a un coût de participation ou tout
simplement de rester patient le temps de recevoir le premier coup de fil de
l’organisateur de l’évènement…
Faut-il rappeler la règle de base du marché : un produit ne vaut que par la
rencontre d’un fournisseur et d’un client. S’il n’y a pas de client point de
produit et donc pas de prix.
Les bénéfices que les récipiendaires en tirent c’est, entre autres, de garnir
leurs publications institutionnelles, de conforter la cote du premier dirigeant
et de repositionner l’entreprise, surtout lorsque les principaux compétiteurs
sont en lice. Cette situation s’exacerbe lorsque le dirigeant et/ou l’entreprise
négocient un virage mal amorcé. La distinction vient à lustrer les compartiments
époussetés par le peu de performance et ainsi apaiser les stakeholders.
Comme le dit l’adage du terroir "lorsque l’huile comestible vient à manquer
on recourt à l’huile cosmétique".
De façon générale, j’ai toujours eu une faiblesse de raisonnement par rapport
à ces institutions productrices de distinctions. Et surtout ces autres,
consommatrices de distinctions. Parce qu’en vérité, il y en a quelques bonnes et
surtout pour beaucoup de belles fichaises.
Le mode d’emploi tient à quelques points :
- Le coût du prix : soit une contribution est sollicitée du récipiendaire,
directement (par transfert) ou indirectement (sponsoring de l’évènement :
diamond, platinum, gold), un gros contrat d’annonceur… Dès lors, il y a
un problème d'éthique lorsque l'entreprise primée est aussi le sponsor de la
compétition ou de son organisateur. La même remarque vaut aussi pour les agences
de notation qui utilisent le même procédé.
- La composition du jury : quels sont les membres du jury ? Comment sont-ils
choisis ? Quel est leur lien avec les candidats ?
- Les critères de sélection : les critères sont-ils pertinents, mesurables
et transparents ?
- Les entreprises en compétition : que vaut d'être désignée l'entreprise de
l'année si les leaders du secteur ne sont pas en compétition ?
En attendant une moralisation de ces pratiques, les trophées, distinctions et
autres prix ont de beaux jours devant eux. Producteurs et consommateurs se
frottent les mains. Et les impétrants se congratulent en organisant des feux de
camp autour du "butin" si chèrement acquis. Une sagesse africaine nous enseigne
: "Celui qui excelle à ramasser des serpents morts se ravisera quand il sera
en possession d’un serpent inerte pris pour mort".
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