http://www.huffingtonpost.fr/cheickna-bounajim-cisse/propos-race-blanche-nadine-morano_b_8206588.html
"La France est un pays de race blanche! Je n'ai pas envie que la France devienne musulmane". Ces propos chocs, contraires à l'esprit de la Loi fondamentale, ne sont pas d'un frontiste. Ils ont été prononcés par un "Républicain" venant d'un parti éponyme. Un nouveau rubicond vient d'être franchi. La question raciale s'invite, de nouveau, dans le débat politique français.
Ce samedi 26 septembre, "On n'est pas couché", l'un des talk-shows préférés de l'audimat sur la chaîne de télévision France 2, avait comme invité principal une femme politique. Cette femme a une coloration - pardon une étiquette - politique : Les Républicains (LR, ex-UMP). Elle a un mandat : députée européenne de la circonscription Grand.
Un pays de race blancheAu bout d'interminables échanges, questions sans réponses, le couperet tombe: "Nous sommes un pays judéo-chrétien[...]La France est un pays de race blanche [...] J'ai envie que la France reste la France et je n'ai pas envie que la France devienne musulmane" déclare l'eurodéputée.
En clair, la France est un pays de religion judéo-chrétienne qui doit appartenir à la race blanche. Et les musulmans doivent rester minoritaires. Voilà qui est dit. Et ça le mérite d'être clair et net.
Cela n'empêche que c'est qu'à même effrayant, presque pathétique, d'entendre de tels propos d'une femme politique qui se réclame des valeurs de la République, qui appartient au parti "Les Républicains", et qui aspire à un destin grandiose : devenir président de la République française.
Comment peut-on se prévaloir des valeurs républicaines, donc de la laïcité, et réclamer qu'une religion soit minoritaire? Le chroniqueur Yann Moix demanda à l'invité sa définition de la laïcité. En vain, aucune réponse. Si la laïcité est la liberté de chacun à exercer le culte de son choix, il est dès lors difficile de faire une religion majoritaire et une autre minoritaire, sans saborder cette valeur sacrée de la République. Le chroniqueur le dit mieux en apostrophant l'eurodéputée: "Dès lors que vous voulez faire de la religion musulmane une religion minoritaire, vous n'êtes plus dans un État laïc".
La religion musulmaneL'invitée ne se laissa point démontée. Elle poursuivra, en répétant de plus belle les propos précédemment tenus. Rien n'y fit, pas même les huées du public en signe de désapprobation. Rien n'y fit, pas même les sages paroles essaimées du réalisateur Xavier Durringer, à la philosophie pourtant très conciliante. Rien, les apaisements feutrés de Marc Lavoine sont restés inaudibles à ses oreilles. Ni la colère, à peine contenue, de Laurent Ruquier sur l'allusion raciale: "Le problème, c'est qu'aujourd'hui en 2015 vous fassiez encore cette distinction! Il y a des gens qui ne sont pas de peau blanche et qui sont autant français que vous et moi. C'est incroyable d'entendre ça!".
Ni l'indignation de Léa Salamé, partie au bout du monde chercher sa question: "Et les Antillais, ils sont comment par rapport à la race blanche?" Et, encore à la chroniqueuse de poursuivre sur l'exemple d'un autre invité sur le plateau, l'humoriste Frédéric Chau, Français dont les parents sont d'origine chinoise. "Et lui, il est comment?", s'interroge-t-elle. "Lui? Il est asiatique", répond l'ex-ministre, sans coup férir.
Les exemples de la diversité française ne manquaient pas sur le plateau. Et à commencer par l'intéressée elle-même ? Candidate à laprimaire de sa formation politique, plusieurs fois parlementaire et ministre, elle confessa en fin d'émission ses origines italiennes. Et son mentor, Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa? Lui aussi, est d'origine étrangère, hongroise précisément.
Comment peut-on être issu, culturellement et politiquement, de la diversité et la récuser dès qu'il s'agit des autres? Le chroniqueur Yann Moix a eu le nez fin, sentant la parlementaire européenne à l'aise dans sa polémique, les dividendes de la provocation en mire: "Si vous voulez être présidente, n'utilisez plus jamais le mot 'race', car c'est indécent".
Les envahisseursLe Front national (FN), hypnotisé, presque tétanisé, assiste impuissant à l'effritement de son lexique, à la récupération de son vocabulaire populiste, lui qui pensait en détenir l'exclusivité ad vitam aeternam. La nouvelle génération frontiste, à sa tête l'actuelle présidente, a tant lutté pour se faire accepter dans les valeurs de la République, en poliçant le discours, en mettant à l'écart son très controversé fondateur, et même à récuser l'étiquette "extrême-droite", lui préférant "Rassemblement Bleu Marine".
Mais, tout cela c'est de l'histoire ancienne. Le débat politique a pris de nouveaux galons. La Gauche se rapproche, doucement mais sûrement, des idées de la Droite; et la Droite, rapidement et sûrement, pactise avec les idées de l'Extrême-droite.
A tel point que la présidente du FN, invitée chez Jean-Jacques Bourdin, sur BFMTV le 24 septembre, a répété, quasi mot pour mot, le discours de l'eurodéputée LR, reçue quelques jours plus tôt dans la même émission. Et là aussi, l'ex-ministre avait créé la polémique, au sujet de la crise des migrants, en déclarant: "Les Français ressentent un sentiment d'envahissement. D'ailleurs, ce n'est pas qu'un sentiment, c'est une réalité. Nous sommes submergés".
C'est vrai que le pays peine avec ses 3 millions de chômeurs et que les budgets des ménages sont de plus en plus tendus. Et que face à la persistance de la crise, la tentation est grande d'indexer des boucs émissaires. L'étranger et l'islam semblent être des proies faciles. Ils sont à l'origine du chômage et de l'insécurité. Voilà la réalité nouvelle que certains politiques tentent de servir aux Français. Mais ça ne passera pas, sinon que difficilement avec des quintaux de mécomptes. La France est et reste une grande nation.
Et cette France, que nous le voulons ou pas, que l'on nous l'autorise ou pas, fait partie de notre histoire, de notre culture. Nous ne renierons jamais notre passé, même si il est douloureux. Tout dans notre vie, au quotidien, nous rappelle la France; comme par exemple l'usage de la langue française que nous partageons avec les 66 millions de Français et les 274 millions de francophones. Voilà la vérité.
Quelle que soit la rudesse de la situation économique, ici, là-bas et ailleurs, ce partage est une réalité qui honore la France, contribue à son enrichissement interne et à son rayonnement extérieur. Et les Français, dans toutes leurs composantes, doivent en être fiers. Il n'y a qu'une seule race dans le monde : c'est la race humaine. Rien, sur cette terre et dans l'univers, n'est ni tout blanc ni tout noir. Tout est dans la nuance, rien de mouvant n'est absolu.
La droitisationPlus l'échéance 2017 se rapproche, plus le débat s'hystérise, les positions se radicalisent.
Le point de vue de la députée européenne LR, même si il est personnel, traduit la pensée d'une partie de l'opinion publique française. Elle n'est pas celle de la France. Et depuis hier soir, la Toile s'est enflammée, les réseaux sociaux s'en sont mêlés. Certains partisans n'hésitent pas à prendre la défense de leur idylle: "Ce n'est pas du racisme, c'est du réalisme!". Et à un autre internaute d'interpeller la députée LR: "Je suis de race blanche et ma femme est coréenne, je voudrais connaitre la race de ma fille de 19 mois".
Les médias ne sont pas demeurés en reste. L'hebdomadaire français L'Obs, à travers la journaliste Emmanuelle Hirschauer, a démonté point par point, sur la base d'arguments factuels, toutes les « aberrations » de la députée européenne. Elle a montré que la parlementaire du parti conservateur surfe inutilement sur la peur. Par exemple, s'agissant d'une prétendue islamisation de la société française, "une étude publiée en avril 2015, par le PewResearch Center, [montre que] le pourcentage de musulmans en France atteindrait en 2050... 10,9%! Contre 7,5%, en 2010. Et cette projection, pour 2050, prend bien sûr en compte l'immigration". A ce rythme, c'est notre déduction, il faudrait 1200 ans pour que la population française soit totalement musulmane !
Sur ce, il ne nous reste plus qu'à prier pour que, partisans et opposants de la France "pure", aient la vie éternelle ici-bas. Le général De Gaulle, la référence des propos de l'eurodéputée, ne disait-il pas en terre africaine, un certain 30 janvier 1944, que "vivre chaque jour c'est entamer l'avenir". Alors, vivons pour l'éternité!